Lettre ouverte de l’Interprofession nationale et de la filière Forêt-Bois : Aux arbres citoyens !

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« AUX ARBRES CITOYENS ! Agir face à l’urgence climatique »,

participation de France Bois Forêt, Interprofession nationale de la filière.

Paris le 28 octobre 2022,

France TV
Madame Delphine ERNOTTE CUNCI
Présidente-directrice générale de France Télévisions
7 Esplanade Henri de France
75015 PARIS

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Lettre ouverte

Objet : « AUX ARBRES CITOYENS ! Agir face à l’urgence climatique », participation de France Bois Forêt, Interprofession nationale de la filière. 

Madame la Présidente directrice générale,

France 2 prépare la diffusion le 8 novembre prochain d’une émission en direct intitulée « Aux arbres citoyens ! » , en partenariat avec France Inter, pour alerter sur les causes du dérèglement climatique, mettre en exergue le rôle positif des arbres et des forêts comme alliés contre celui-ci, à la fois dans l’atténuation et dans l’adaptation, et mobiliser les français par un appel aux dons devant financer des projets forestiers en partenariat avec le réseau associatif France Nature Environnement (FNE).

Le site de France Télévisions, le site de FNE et la presse annoncent depuis quelques jours ce que devrait être le contenu de l’émission. La nécessité d’une mise en action collective, après les évènements climatiques extrêmes de l’été 2022, impliquant institutions, entreprises et citoyens est mise en avant. En plateau, les animateurs seront accompagnés de nombreux invités et spécialistes de la question.

L’interprofession nationale France Bois Forêt que je préside regroupe 24 organisations professionnelles représentatives et organismes partenaires, regroupant les propriétaires forestiers publics et privés (3,3 millions de propriétaires), les gestionnaires, experts forestiers, coopératives forestières, pépiniéristes, reboiseurs, entreprises de travaux forestiers, de la récolte et de la transformation du bois. Avec nos collègues de France Bois Industrie Entreprises (construction, papier, ameublement), notre filière regroupe plus de 400.000 emplois, et derrière ces emplois des hommes et des femmes qui sont déjà engagés au quotidien en première ligne contre le changement climatique et ses effets.

Nous tenons tout d’abord à vous manifester notre soutien à cette initiative du service public visant à sensibiliser et à mobiliser sur ces enjeux cruciaux, non seulement pour l’avenir des forêts et du monde vivant qu’elles abritent, mais aussi pour le futur de nos sociétés elles-mêmes face à un impérieux besoin de se décarboner.

Avec les récentes Assises de la forêt et du bois, conclues en mars dernier, et qui ont abouti à un large consensus, notamment sur la nécessité d’adapter nos forêts au changement climatique en cours, et la publication en février 2022 du « manifeste de la filière forêt-bois », notre engagement stratégique est clair. Notre filière à un rôle unique à tenir, une responsabilité même, en ce moment si particulier de notre histoire, pour :

  • Décarboner l’économie en profondeur en développant les usages du bois, matériau à la fois renouvelable, et permettant d’agir successivement sur 3 leviers (séquestration en forêt, stockage dans les produits, substitution face aux énergies fossiles ou au matériaux énergivores) de façon positive sur le cycle du carbone et réduire ainsi les GES

  • Adapter les forêts au changement climatique pour préserver leurs fonctions (production de bois, biodiversité, prévention des risques, protection de l’eau…)

  • Rassembler l’ensemble de la société autour de ce projet commun.

Toutefois, si nous nous réjouissons de la volonté affichée par l’émission de mobiliser la société en faveur de la forêt et des arbres, nous attirons votre attention sur quelques aspects qui seraient de nature à déséquilibrer le projet :

  • La multifonctionnalité est au cœur de la gestion (et de la réglementation) forestière dans notre pays ; l’angle de la protection de la biodiversité doit donc être intégré et non opposé aux autres services rendus par la forêt, en particulier à la production de bois d’œuvre de qualité, ce qui ne peut être fait que par une sylviculture patiente et dans la durée. Sans cela, le rôle décarbonant du matériau bois, en particulier dans la construction, ne pourrait pas s’exprimer au service de la transition écologique qu’il faut au contraire accélérer

  • L’impact du changement climatique sur les forêts en place, victimes à la fois d’un dépérissement sous-jacent à grande échelle, sans doute moins visible du grand public mais pourtant présent, et de phénomènes plus spectaculaires comme les tempêtes, les orages de grêle, les attaques sanitaires et les incendies, devrait être abordé. A la vitesse où celui-ci évolue, le réchauffement climatique questionne la capacité de nos essences d’arbres connues de mémoire d’homme à survivre dans un climat qui sera radicalement différent dans 50 ou 100 ans, soit moins de temps que la durée de vie moyenne d’un arbre. Il faut s’attendre à voir nos paysages et nos écosystèmes changer ; dans ce contexte, le déni et l’inaction mèneraient au chaos

  • Les choix d’itinéraires techniques proposés semble-t-il par le fonds forestier choisi comme partenaire de l’émission ne recouvrent qu’un sous-ensemble des options possibles en matière de boisement / reboisement forestier. Ce point est d’autant plus important en regard des 2 points précédents (équilibre de la multifonctionnalité, résilience des futurs boisements). D’autres fondations d’intérêt général, proposant d’autres itinéraires, pourraient compléter le panel des choix ouverts aux dons.

Enfin, nous nous étonnons de l’absence de représentation de nos organisations, alors qu’une vision collective largement consensuelle a émergé des récentes Assises de la forêt et du bois comme rappelé plus haut. Il est question d’associer de nombreux invités et spécialistes à l’émission ; on parle de 200 personnes présentes ; alors pourquoi pas ceux qui représentent les acteurs de terrain ?

Ce constat est particulièrement malheureux après les terribles incendies dont nos forêts et leurs forestiers ont été les victimes cet été et qui ont largement ému l’opinion publique. Après cela, tout le monde a bien compris à quel point la forêt est vulnérable, surtout lorsqu’elle n’est pas gérée, si l’homme ne vient pas à son secours. Par la gestion, par la prévention, par la lutte aux côtés des pompiers, nos forestiers se battent pour préserver les forêts. C’est vrai des incendies comme des autres risques « naturels ». Ce rôle d’intérêt général reste injustement méconnu.

C’est pourquoi, nous vous proposons notre contribution, non seulement dans le cadre de cette prochaine émission, mais aussi plus largement pour continuer à défendre avec vous au long cours ce qui devrait être une cause nationale, de façon à compléter et mieux équilibrer la présentation des enjeux et des solutions qui sera faite à nos concitoyens. Le moment l’impose.

L’unité face au changement climatique et à ses effets dévastateurs sur le monde vivant, en premier lieu l’érosion de la biodiversité, mérite de dépasser au plus vite certaines postures simplificatrices, voire polémiques, pour rechercher avec humilité les consensus sur lesquels construire le futur de nos forêts, et ainsi préserver leurs services fondamentaux au moment de transformer nos sociétés. Atténuer et s’adapter. Le bois et la forêt peuvent nous y aider.

Nous sommes prêts à travailler avec vous à cette mobilisation générale.

Dans cette attente, veuillez croire, Madame la Présidente directrice générale, en l’assurance de toute notre considération.

Jean-Michel SERVANT
Président de l’Interprofession nationale France Bois Forêt

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