Sauver le bois-énergie européen

Posted Posted in La Lettre B

La prochaine mouture de la directive européenne sur les énergies renouvelables pourrait limiter significativement la valorisation énergétique du bois. Une mesure qui, si elle était effectivement appliquée, aurait de graves conséquences, environnementales, économiques et sociales.

Poêle Chloé de Supra (concepteur et fabricant français à Obernai, Alsace, depuis 1873). Photo : Laurent Moynat & Preview Imagemake

Entamée depuis de longs mois, la révision de la directive sur les énergies renouvelables (RED III) pourrait porter un rude coup à la valorisation énergétique de la biomasse. Positif, l’objectif de ce texte majeur du Pacte vert européen est que les Européens consomment au moins 42,5 % d’énergies renouvelables à partir de 2030. Soit environ deux fois plus qu’aujourd’hui. Remplacer pétrole, gaz et charbon par des sources d’énergie renouvelable, quoi de plus naturel pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du continent ?

Valorisation bridée

Problème : à l’issue des discussions préliminaires avec la Commission et le Conseil, le Parlement européen a obtenu de limiter strictement la production d’« énergie bois ». Une conclusion s’impose : se chauffer ou produire de l’électricité avec les résidus de l’exploitation forestière et de la transformation du bois reste malheureusement synonyme de déforestation pour de nombreux parlementaires européens. Non encore définitive, cette disposition, si elle était retenue dans la version finale de RED III, aurait de nombreuses conséquences négatives.
La filière forêt-bois française ne récolte pas de bois pour générer de l’énergie mais, d’abord, pour construire des logements, des meubles, produire du papier et des panneaux, fabriquer des emballages.

Complément de revenu

La production de bois de chauffe, de combustible ou de pellets intervient en bout de chaîne, en valorisant les parties de l’arbre qui n’ont d’autres débouchés que la production de kilowattheures. Le bois-énergie apporte aux propriétaires forestiers un complément de revenu indispensable à l’entretien de leur patrimoine. Limiter la valorisation des reliefs de production, c’est désorganiser une chaîne de production et réduire les revenus des sylviculteurs. La filière bois-énergie, génère 1,3 milliard d’euros de valeur ajoutée annuelle. Cette limitation entrave le développement des énergies renouvelables.
En France, le bois-énergie représente 36 % de la production d’énergie renouvelable et 66 % de la chaleur « verte ». Renoncer à la valorisation énergétique du bois, c’est accroître notre dépendance aux importations d’énergies. C’est compromettre l’atteinte par la France de son objectif de consommation d’énergie renouvelable en 2030.

Plateforme de stockage de bois énergie Véolia. Photo : DR - Fibois

Conséquences économiques et sociales

Les conséquences sociales et sociétales de cette mesure ne sont pas négligeables. La filière bois-énergie française emploie 50 000 emplois non délocalisables et bien ancrés dans nos territoires. Diminuer le volume d’activité du secteur, c’est fragiliser ce tissu industriel. Le bois-énergie représente près du quart des énergies distribuées par les réseaux de chaleur. Déconnectée des soubresauts géopolitiques du moment, cette source d’énergie garantit un montant de facture stable à ses usagers. Soumis aux exigences de décarbonation de leurs productions, les industriels sont de plus en plus nombreux à utiliser le bois-énergie pour satisfaire leurs besoins en chaleur, voire en électricité. Grâce à son haut rendement énergétique et un prix compétitif, une chaudière fonctionnant au bois contribue à la compétitivité de nos outils de production dans tous les secteurs de l‘économie.

Une énergie plébiscitée…

Compétitif dans les usines, le bois-énergie contribue aussi à la transition énergétique des particuliers. D’ores et déjà, près du quart des ménages tricolores sont équipés d’un appareil de chauffage au bois (bûches ou granulés). Comparé au gaz naturel, au fioul ou à l’électricité, le bois est la source d’énergie la plus économique pour chauffer un logement. Et cela se sait. Une étude, commandée par France Bois Forêt au cabinet Elabe et publiée en mars dernier, montre que le bois est désormais la troisième source de chauffage des Français derrière l’électricité (55 %) et le gaz fossile (37 %), mais devant la pompe à chaleur (13 %), le fioul fossile (8 %) et l’énergie solaire thermique (3 %). Son usage diffère d’un territoire à l’autre. Près d’un habitant sur deux en zone rurale se chauffe au bois contre 5 % des Parisiens.

Un habitant sur deux en zone rurale se chauffe au bois. DR

… écologique et économique

Dopé par l’inflation des prix de l’énergie et la montée des préoccupations environnementales, l’intérêt pour cette source d’énergie renouvelable va croissant. Une personne interrogée sur sept envisage désormais de « passer au bois » : 42 % d’entre elles pour des raisons écologiques et financières et 41 % « principalement » pour réduire le montant de la facture de chauffage. Invités à classer les sources d’énergie en fonction de leur prix, les Français placent systématiquement le bois deuxième énergie la moins chère, derrière le solaire thermique ; 58 % des sondés considèrent en outre qu’il s’agit d’une source d’énergie « bonne pour l’environnement ». Ils sont bien plus nombreux encore (87 %) à considérer le bois comme une source d’énergie naturelle, renouvelable (70 %), moins polluante que les énergies fossiles (72 %). Combustible d’origine locale par excellence, le bois contribue donc, pour 69 % des personnes interviewées, à l’indépendance énergétique de la France.
.

Le public s’engage en faveur du bois-énergie

Pas moins de dix organisations professionnelles et institutionnelles sont solidaires d’une pétition lancée, en mars, par la filière forêt-bois en faveur de la valorisation énergétique du bois. Les 14 000 signataires rappellent que les pratiques sylvicoles françaises sont très encadrées et qu’elles ont pour objectif prioritaire la production de bois d’œuvre et d’industrie. Ils soulignent aussi que l’ensemble des prélèvements de bois dans les forêts de métropole est inférieur à l’accroissement naturel des massifs. On récolte 60 % de l’accroissement biologique annuel.

Usage du bois comme énergie de chauffage domestique
par catégories de population (en pourcentage de la population)

Un quart des Français déclarent utiliser le bois comme source d’énergie de chauffage, principale ou complémentaire. Il est beaucoup plus utilisé par les Français qui vivent dans une commune rurale, en maison et par les propriétaires.

D'après Document Elabe 2023
Partager l'article sur vos réseaux sociaux :