Récolter 1 260 chênes pour les charpentes de la flèche et du transept

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Dès le mois de mars 2021, le choix et la récolte des bois nécessaires pour reconstruire la flèche de Notre-Dame ont commencé sur tout le territoire. Le 5 mars, le premier arbre a été officiellement marqué à Bercé, dans la Sarthe, dans une forêt domaniale aux futaies de chêne mondialement connues pour leur qualité remarquable.

 La forêt française a fourni 1 260 chênes aux dimensions et qualités exceptionnelles pour la restauration de la charpente, du transept et de la flèche de Notre-Dame de Paris. DR

Reconstruire la flèche néogothique

Tombée dans l’incendie du 15 avril 2019, la flèche était un véritable chef-d’œuvre, conçue par Eugène Viollet-le-Duc et inaugurée en 1859. Cet ouvrage s’élevait à la croisée du transept à partir du tabouret sur lequel reposaient plusieurs niveaux à claire-voie et, enfin, l’aiguille de la flèche culminant à 96 m. Cette structure savante nécessite des assemblages complexes, chaque pièce étant unique. Qui dit chantier d’exception, dit arbres exceptionnels, et l’architecte en chef des monuments historiques Rémi Fromont, en charge de cette opération hors du commun, en est bien conscient : « Nous avons un critère essentiel : il faut que le bois soit très long et droit sur une vingtaine de mètres. Il s’agit donc de pièces absolument remarquables, résultats de l’intervention de l’homme qui a œuvré pendant de longues années pour obtenir ces bois majestueux. » En l’occurrence, pour atteindre 1,10 m de diamètre, il s’agit de chênes séculaires, plantés il y a plus de 200 ans et élevés par plusieurs générations de forestiers.

« Les cathédrales naissent en forêt. Utiliser le bois, façonné, préparé par nos prédécesseurs depuis 200 ans pour un chantier aussi noble, c’est une grande fierté. »

Des dons venus de tout l’Hexagone

Destinés à reformer la flèche, 1 260 arbres ont été récoltés, tous offerts pour le chantier de restauration de la cathédrale. Pour moitié, ils sont issus des forêts publiques : 130 de forêts communales, et 484 de forêts domaniales. La seconde moitié, 646 chênes exactement, provient des forêts privées, lesquelles couvrent près de 75 % du territoire forestier français. Plus de 200 propriétaires forestiers ont offert des arbres, souvent par
l’intermédiaire de coopératives ou d’experts forestiers. Les bois viennent de toute la France : Bourgogne, Centre-Val de Loire, Grand-Est, Pays de Loire, Normandie. Les professionnels de la filière forêt-bois se sont montrés très impliqués, et ceux qui n’ont pu fournir les bois ont choisi d’être mécènes de la reconstruction. Cet élan collectif s’est exprimé très tôt, dès le soir de l’incendie. Philippe Gourmain, expert forestier, raconte : « Les propriétaires forestiers de toute la France ont contacté l’Interprofession nationale France Bois Forêt pour offrir des arbres, gracieusement en vue d’un futur projet. Au même moment, on entendait dans les médias que l’on ne pourrait pas reconstruire car on n’avait pas les chênes nécessaires à moins de raser la forêt française. Ce qui est parfaitement faux ! Cet élan de donations a permis à l’Interprofession de se positionner et de porter ce projet historique. Ce que l’on croyait impossible hier, eh bien ! On le réalise aujourd’hui ! »

 Pour cela, pendant plus de trois ans, tous les opérateurs de la filière forêt-bois française, regroupés au sein de l’Interprofession nationale France Bois Forêt, se sont organisés à travers l’Hexagone pour identifier et fournir les bois nécessaires pour ce chantier inédit et historique, au côté de l’établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris et des architectes en chef des monuments historiques chargés de la restauration de la cathédrale (en photo : forêt domaniale de Bercé, dans la Sarthe). DR

« Quand vous irez à Paris, vous pourrez dire qu’il y a un morceau de notre terroir sur le toit. »

Marquage du sceau de l’État sur le premier chêne de la forêt de Bercé (Sarthe) sélectionné, et plaque d’identification officielle clouée à l’occasion d’une cérémonie en présence notamment de Roselyne Bachelot, ministre de la Culture de 2020 à 2022, de Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation de 2020 à 2022, du président de Rebâtir Notre-Dame de Paris, des architectes en chef des monuments historiques et de membres de l’Interprofession nationale.

Une journée historique

Le 5 mars 2021 marque véritablement le début du chantier de reconstruction de la cathédrale. Réunis en forêt de Bercé, dans la Sarthe, en présence du général d’armée Jean-Louis Georgelin, représentant spécial du président de la République et président de l’établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris, membres du gouvernement, représentants de l’Office national des forêts (ONF), de l’Inter­profession nationale France Bois Forêt et de la maîtrise d’œuvre de Notre-Dame, tous célèbrent ce moment historique : « Les chênes que nous marquons aujourd’hui forment un pont entre les siècles, les générations et les professions », déclare Roselyne Bachelot, alors ministre de la Culture. Élevés, soignés, éclaircis, ces arbres amorcent leur seconde vie, pour plusieurs siècles, comme éléments de charpente de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Cette récolte de bois exceptionnels montre l’excellence du savoir-faire forestier à la française, au service de la restauration d’un monument prestigieux.

À l’heure du changement climatique, il est également primordial de reconnaître le travail des communes forestières, des propriétaires privés et des forestiers de l’Office national des forêts engagé depuis plusieurs siècles1 pour la gestion durable des ressources et le renouvellement continu de la forêt.

« Je suis ému de sortir enfin du chantier de la cathédrale, pour, cette fois, passer d’une phase de consolidation à une phase de reconstruction. Ici, nous sommes au pied de l’avenir de la cathédrale. »

 Forêt domaniale de Bercé (Sarthe), mars 2021 : récolte de l’arbre n° 1. La récolte des arbres de la future flèche s’inscrit dans la gestion quotidienne et durable. Ces arbres étaient prévus dans la récolte 2021 pour que de plus jeunes sujets puissent pousser à leur tour. DR
Abattage du dernier chêne nécessaire à la restitution des charpentes médiévales de la nef et du chœur dans la forêt domaniale de Bellême, dans l’Orne (février 2023). Photo : David Bordes/établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris
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