Mobilisation générale contre l’hylobe

Posted Posted in La Lettre B

Le grand charançon du pin menace plusieurs milliers d’hectares de plantations de pin maritime. Plusieurs programmes de recherche financés par FBF et sa Section spécialisée PM développent et valident de nouvelles techniques et stratégies de lutte contre ce ravageur.

L’hylobe (Hylobius abietis) est un charançon, ravageur du pin, qui attaque l’écorce des jeunes dans les plantations âgées de 1 à 3 ans. La consommation de l’écorce par l’hylobe interrompt la circulation de la sève, entraînant la mort des jeunes plants.
Photo : Castagneyrol Bastien/Inrae

Peu connu du grand public, le grand charançon du pin (Hylobius abietis) est le plus important ravageur de plantations de résineux en France et en Europe. Reconnaissable à son puissant rostre et à ses élytres à bandes jaunes, ce coléoptère dévaste les jeunes plants de résineux dans toutes les régions métropolitaines, à l’exception de la Corse. Selon le dernier recensement de l’Office national des forêts (ONF)1, 10 000 ha de résineux seraient la proie d’Hylobius abietis, dont un peu moins de 2 000 ha de pins maritimes.

Une appétence pour les incendies ?
Le ravageur affiche une forte préférence pour les essences dont les blessures relâchent le plus de résine, Douglas et mélèze en tête. Contrairement aux forêts scandinaves qui ne subissent qu’une attaque par an, les massifs de résineux français doivent supporter deux vagues de dégâts au printemps et à la fin de l’été, voire une vague d’attaque continue sur cette période.
« Il n’est pas non plus exclu que le cycle de cet insecte puisse être stimulé par les incendies de forêts », estime Olivier Morraglia, responsable du réseau d’expérimentation R&D d’Alliance Forêts Bois.

Un méta-projet de recherche…
Traditionnellement, les sylviculteurs protégeaient leurs plantations avec des néonicotinoïdes à raison de quelques granulés dans la motte. Avec l’interdiction, en 2018, de l’usage de ces insecticides, il a fallu trouver et qualifier des méthodes alternatives. C’est l’objet du méta-projet Hylobe. Réunissant une quinzaine de partenaires français et belges (voir encadré), et cofinancé par France Bois Forêt, ce projet coordonne plusieurs programmes de recherche.
Antérieurement à cette mobilisation, le projet « Douglas : de la graine au plant » initié en 2017 devait, pour sa part, valider une technique mise en œuvre par les sylviculteurs scandinaves. Problème, l’enrobage de la base des jeunes plants par une cire n’est pas une solution pérenne sous nos latitudes : « Les amplitudes thermiques que l’on connaît, couplées à de plus forts accroissements que connaissent les nordistes font craqueler la cire qui tombe et ne joue plus son rôle de protection », rappelle Olivier Morraglia.

… vers des solutions alternatives
Porté par l’Inrae, le programme Luthyl consiste à mettre au point et tester des méthodes opérationnelles de lutte contre l’hylobe dans les jeunes plantations de résineux. Concrètement, il vise à concevoir un système de signalement des dégâts de l’insecte, à identifier les conditions les plus favorables à son développement et à proposer des interventions sylvicoles pour limiter l’intensité des dégâts. Douze chantiers, situés dans cinq sylvo-éco-régions, ont été suivis durant la première année du programme. L’occasion notamment de tester la déclaration des dégâts imputables à l’hylobe grâce à une version enrichie de Silvalert. Utilisable directement sur un smartphone ou un ordinateur, cet outil collaboratif de déclaration des dégâts en forêt dispose désormais d’options relatives à l’hylobe, uniquement accessibles aux professionnels.

Site expérimental Protehyl, de Peyre-Plantade, dans le Tarn, géré par Alliance Forêts Bois et suivi par l’Inrae. Photo : Alliance Forêts Bois

Attraction ou répulsion
Autre dispositif mis à l’épreuve : les pièges attractifs. Différentes combinaisons de pièges ont été essayées dans plusieurs parcelles expérimentales pour alimenter les systèmes d’alerte et évaluer la pression du ravageur. Diffusant un mélange d’alpha-pinène et d’éthanol, le piège de type Pittfall s’est révélé être le plus efficace, selon un rapport intermédiaire publié en novembre 2021. Par ailleurs, les chercheurs avaient remarqué de longue date les propriétés répulsives du méthyl salicylate (MeSa). D’origine naturelle, émise par les bouleaux, cette substance volatile pourrait constituer un rempart efficace contre le charançon.
D’où l’idée, entre autres, de planter de jeunes bouleaux jaunes canadiens très émetteurs de MeSa à proximité de jeunes Douglas. Six sites ont été sélectionnés par les partenaires du programme ProteHyl. Au printemps dernier, 26 000 bouleaux ont été plantés à proximité immédiate de 60 000 jeunes Douglas dans les forêts de Laigue (Oise), de Romagne-sous-Montfaucon (Meuse), de Prenet (Morvan), de Pérols-sur-Vézère (Corrèze), de Peyre- Plantade (Tarn) et de Louftémont dans l’Ardenne belge. L’expérimentation pourrait toutefois avoir été perturbée par les sécheresses du printemps et de l’été 2022.
Autre piste de recherche : les techniques d’exploitation susceptibles d’entraver le développement du charançon. C’est l’objet du projet Hylobe Nouvelle-Aquitaine. Mené par FCBA, il ambitionne d’évaluer l’efficacité de certaines pratiques, tel le rognage de souche. « Il faudra ensuite vérifier que la perte de l’habitat de l’insecte correspond à une baisse du niveau d’infestation in situ », conclut Olivier Morraglia.


Les partenaires du Méta-projet Hylobe

Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), Office national des forêts (ONF), Forêt Cellulose Bois-construction Ameublement (FCBA), Département de la santé des forêts (DSF), Centre national de la propriété forestière (CNPF), Société forestière de la Caisse des dépôts et consignations (SFCDC), Institut européen de la forêt cultivée (IEFC), Groupe Coopération forestière (GCF), Syndicat national des pépiniéristes forestiers (SNPF), Maison de la forêt (MDF), Union nationale des entreprises du paysage (Unep), université catholique de Louvain, Centre de développement agroforestier de Chimay et Ressources Naturelles Développement.

Partager l'article sur vos réseaux sociaux :