La télédétection au service des peupleraies

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Cartographier annuellement les peupleraies françaises, leurs classes d’âge, voire les cultivars, tel est l’objectif du programme de recherche piloté par le Conseil National du Peuplier (CNP), rassemblant de nombreux partenaires et soutenu par France Bois Forêt. Une première dans la filière, basée sur de récentes avancées technologiques.

Le satellite Sentinel-2 fournit tous les 5 jours des clichés de la Terre en haute résolution, soit une fréquence d’acquisition d’images qui permet l’identification et le suivi des peupleraies sur le territoire. © ESA/ATG-Medialab
 Peupleraie à Saint-Julien de Concelles, en Loire-Atlantique. © Roxanne Asselin/Atlanbois

Ce programme de recherche part d’un besoin connu de l’ensemble de la filière populicole française et, en premier lieu, des industriels de la transformation : quel est l’état de la ressource peuplier en France ? Où se situe-t-elle ? Pour cette essence particulière, caractérisée par de petites parcelles disséminées dans l’ensemble du territoire et avec une durée de révolution de 18 à 20 ans, la méthodologie d’évaluation de l’Inventaire Forestier National marque ses limites. Et même si des améliorations ont été apportées pour proposer des informations plus fiables, les données actuelles sont encore trop incertaines. Elles ne permettent notamment pas aux industriels d’avoir une visibilité suffisante pour asseoir leurs décisions d’investissements. Le recours à la télédétection par satellites, piloté par le Conseil National du Peuplier, soutenu par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, France Bois Forêt et de très nombreux partenaires, va permettre de cartographier les parcelles de peupliers et d’en suivre les évolutions.

Sentinel-2 : l’opportunité des images satellites
En juin 2015 et mars 2017, l’Agence Spatiale Européenne a mis sur orbite deux satellites Sentinel-2 dans le but de fournir tous les 5 jours des clichés de la Terre haute résolution, de 10 à 60 mètres, et de les mettre à disposition gratuitement. Les objectifs sont de suivre ainsi l’évolution de la végétation, de l’occupation des sols et l’impact du réchauffement climatique. Du fait de la fréquence d’acquisition des images satellites, celles-ci sont dites hypertemporelles, par opposition à l’imagerie à une seule date qui ne permettrait qu’une distinction végétation/non végétation.

Pour en savoir plus :
sentinel2.cnes.fr/fr
peupliersdefrance.org

PROGRAMME
Réf. FBF : 18RD812
Budget FBF : 10 k€

Images satellites Sentinel-2 (vraies couleurs et infrarouge) du secteur Saint-Nicolas-de-la-Grave (Tarn-et-Garonne) qui permettent d’identifier une peupleraie (entourée par un carré bleu sur le document). ©spot6 2018

L’innovation au cœur de la recherche
Conscient de l’intérêt de ces nouvelles données, le Conseil National du Peuplier a décidé de monter un programme de recherche sur 3 ans, avec le soutien de l’État (ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation), de France Bois Forêt, du Conseil départemental du Lot-et-Garonne, des Régions Nouvelle-Aquitaine et Grand Est, de l’Agence Nationale de la Recherche (via une bourse CIFRE1), du Codifab (Comité Professionnel de Développement des Industries Françaises de l’Ameublement et du Bois), de l’entreprise Garnica Plywood et de la coopérative Alliance Forêt Bois : un large panel de partenaires, tous concernés par la valorisation du peuplier.
Cette initiative est portée par Dynafor, une unité mixte de recherche qui associe l’Inra de Toulouse, l’École Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse, l’École d’ingénieurs de Purpan pour la partie télédétection, et par le Centre National de la Propriété Forestière pour la partie « données de terrain peuplier ». Madame Yousra Hamrouni, doctorante en géomatique2 a été recrutée par le CNP et réalise l’ensemble de sa thèse sur ce sujet, d’octobre 2017 à septembre 2020. Son travail consiste à mettre au point un algorithme informatique pour analyser les images satellites, puis d’en déduire une « couche SIG » (voir encadré) spécifique peuplier. L’objectif est d’avoir une fiabilité de 90 % sur l’identification des peupleraies et de leurs classes d’âge et, si cela est possible, sur les cultivars. Par la suite, le traitement des données à l’échelle nationale se fera via le Centre d’Expertise Scientifique « CES Occupation du Sol (OSO) » du pôle Theia, consortium français regroupant notamment le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), l’Institut National de l’Information Géographique et Forestière (IGN), l’Institut National de la Recherche Agronomique (Inra) et le Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (Cirad).

1Conventions industrielles de formation par la recherche
2La géomatique est une discipline regroupant les pratiques, méthodes et technologies qui permettent de collecter, analyser et diffuser des données géographiques.

Le Système d’Information Géographique (SIG) est un logiciel capable d’organiser et de représenter des données géographiques sous forme de plans et de cartes. Dans un SIG, les données sont classées par thèmes, sous forme de « couches ». Chaque couche représente un thème et est affichable en fonction des besoins. L’objet du programme de recherche est de parvenir à obtenir une ou plusieurs couches « peuplier » (présence, classes d’âge, voire cultivars) pour l’ensemble du territoire français.

La mise au point de l’algorithme sur une zone limitée et la comparaison des images obtenues avec les données de terrain seront suivies de l’extension de la démarche à l’ensemble du territoire français. © Éric Paillassa/CNPF IDF

Point d’étape prometteur
En matière de méthodologie, il a été décidé, dans un premier temps, de mettre au point l’algorithme sur une zone limitée, le département du Tarn-et-Garonne, et de comparer concrètement les images obtenues avec la réalité du terrain. Cette première partie sera suivie par l’estimation des classes d’âge et le passage à grande échelle, pour permettre de couvrir l’ensemble du territoire français. Un récent comité de pilotage a permis de valider les premiers résultats : les travaux avancent du mieux possible, et l’ensemble des partenaires s’est montré très satisfait. Un nouveau comité de pilotage est prévu en juillet 2019 pour une fin de programme en septembre 2020. Éric Paillassa, responsable de ce programme au CNP, témoigne : « La télédétection apporte des outils innovants, pour avoir une vision globale de la situation de la biosphère, identifier les problèmes et ainsi pouvoir y apporter des solutions. Le cas du peuplier est un projet passionnant et un bon sujet pour cette recherche. Nous sommes très contents de l’avancée des travaux de Madame Hamrouni, ainsi que de la participation de l’ensemble des partenaires engagés. Avec les images de Sentinel-2, nous sommes à une période de grande effervescence scientifique : il s’agit de faire sortir la télédétection du monde des laboratoires et de valoriser son utilisation dans le monde économique, voire politique. Nous espérons que le peuplier en sera une excellente démonstration. » Des travaux à suivre, dont nous ne manquerons pas de vous tenir informés.

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