Les tavaillons en architecture contemporaine

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La recherche de produits naturels, authentiques, durables remet le tavaillon au goût du jour. Ce revêtement ancestral inspire aujourd’hui les architectes dans une utilisation contemporaine. Illustration par quatre réalisations emblématiques.

Planchette de bois utilisée comme élément de couverture ou de bardage, le tavaillon existe depuis le Moyen Âge, développé par le besoin de protéger façades et toitures des intempéries. Ancêtre de la tuile, on le retrouve traditionnellement dans diverses régions du monde, en particulier en montagne, ainsi que sur des monuments historiques.

Séculaire et répandu
Les dénominations du tavaillon sont nombreuses. Elles varient selon les essences, les régions, les caractéristiques techniques : bardeau de bois, échandole, essente, ancelle, essanne, scandule, écaille, shingles, shakes, essis…
Les bois utilisés sont naturellement durables, purgés d’aubier et adaptés aux milieux et usages : le plus souvent épicéa, mélèze ou Douglas dans les zones montagneuses ; chêne ou châtaignier plus bas et en plaine ; tamarin, natte et autres essences à La Réunion… Aujourd’hui, ces revêtements traditionnels typiques en toiture et façade connaissent un regain d’intérêt et trouvent toute leur modernité dans des réalisations créatives des plus actuelles. Au-delà de leur fonction isolante et protectrice, ils valorisent désormais des architectures contemporaines, y compris dans des régions moins coutumières que celles de montagne. Illustrant cette tendance, deux projets présentés ici ont été menés à bien dans les Pays de la Loire. Les deux autres ont vu le jour dans les Alpes. Gros plan.

La Galerie de l’Alpe, col du Lautaret, Villar-d’Arêne (Hautes-Alpes)
Solea Architectes (Hautes-Alpes)

Nous voici dans les Alpes, où un bâtiment d’accueil du public donne une large part au bois, en structure comme en revêtement.

Située à 2 100 mètres d’altitude, en face du majestueux groupe de montagnes de la Meije, la Galerie de l’Alpe accueille touristes, étudiants et chercheurs. Depuis plus d’un siècle, le jardin botanique du col du Lautaret est reconnu dans le domaine de la biologie alpine et a su développer une synergie entre science et tourisme. La construction de la Galerie de l’Alpe a permis de doter le site d’un nouvel espace d’accueil, de laboratoires de recherche et d’un lieu de conférences.
Conçu par le cabinet Solea Architectes, dont Jérôme Voutier, associé, est aussi vice-président de Bois des Alpes, le bâtiment donne une large part au bois, en structure comme en revêtement extérieur. Dans un environnement où dialoguent minéral et végétal, l’architecture reprend cette conversation :
un espace « minéral » en structure béton et bardage gris pour les laboratoires de recherche ; un espace végétal, en structure bois et tavaillons de mélèze, certifiés Bois des Alpes, pour les espaces d’accueil du public. La forme architecturale a été dessinée pour reprendre la ligne des collines environnantes. Le choix des bardeaux de mélèze a été une évidence pour l’architecte : ils reprennent les habitudes constructives de la région. Présents en toiture, suivant la ligne de faîtage, et en façades, les bardeaux forment comme une carapace, surface blonde de son sommet à la terre. Ainsi posés, sans débord de toiture et avec toute l’attention et la technicité qu’ils requièrent, ils vont grisonner progressivement, de manière homogène, et encore mieux intégrer le bâtiment à son environnement.

Une architecture pleine, atypique, qui épouse toute la surface de la parcelle, et une enceinte vivante composée de bardeaux de châtaignier. ©Cléris + Daubourg

TRADITION ET MODERNITÉ

Thème
Valorisation des tavaillons en architecture contemporaine

Quatre regards d’architectes :
Solea Architectes (05), Cléris + Daubourg (75), R2K Architectes (38), Tristan Brisard Architecte (44)

Essences utilisées
Mélèze – Châtaignier

Lieux
Villar-d’Arêne (05), Jupilles (72), Tencin (38) et Vigneux-de-Bretagne (44)

Carnuta, Maison de l’Homme et de la forêt, à Jupilles (Sarthe)
Daniel Cléris + Jean-Michel Daubourg Architectes Associés (Paris)

Autre région, l’Ouest cette fois, et toujours un fort rapport à la nature pour cette réalisation et sa valorisation des bardeaux de châtaignier.

Au cœur de la forêt de Bercé, chênaie parmi les plus réputées de France, Carnuta propose aux petits et grands, depuis 2010, la découverte du monde forestier, de manière ludique et interactive. Par la fonction du bâtiment, le bois s’est imposé pour les architectes Daniel Cléris et Jean-Michel Daubourg, maîtres d’œuvre de l’opération : poteaux-poutres d’épicéa en structure et bardeaux de châtaignier en revêtement extérieur. Sur cette architecture atypique, pleine, maximale, qui épouse toute la surface du terrain, le bardeau de châtaignier a été choisi pour sa longévité et l’aspect vivant qu’il confère à la façade, comme une enceinte paysagère.
La structure de Carnuta rappelle celle de la forêt : des poutres pour les troncs, les branches à travers les solives… Les bardeaux évoquent l’écorce de l’arbre tout en soutenant les lignes du bâtiment. Leur petite taille a rendu possible de suivre les courbures de la façade sous forme de rubans superposés.

La petite taille des bardeaux a rendu possible de suivre les courbures de la façade.

Crèche et relais d’assistance maternelle, à Tencin (Isère)
R2K Architectes (Isère)

Les bardeaux de châtaignier sont très présents en revêtement extérieur et ont également été choisis en parement intérieur.

Retour dans le Sud-Est de la France, près de Grenoble, où des bardeaux de châtaignier sont mis en œuvre en bardage extérieur et en revêtement intérieur.

Au pied des massifs de Belledonne, de la Chartreuse et du Vercors, la crèche de Tencin, exemplaire en termes d’approche environnementale, pleine de poésie et d’humanisme aussi, a été conçue par l’agence grenobloise R2K Architectes et ses associés Véronique Klimine et Olavi Koponen, pionniers de l’architecture bois.
Ici, fonction oblige, tout a été pensé pour éveiller les sens des jeunes enfants : matière (avec différents rendus de bois, lisses, rugueux), lumière, présence de la nature, meuble à surprise ou aménagement adapté à la taille des enfants, telles les portes à petite échelle pour entrer soi-même dans le lieu de vie, ou les cabanes sous pilotis pour investir des cachettes. Une importante réflexion sur le cadre de vie a été menée en concertation avec les maîtres d’ouvrage : afin que les élus et les futurs utilisateurs puissent se projeter et participer à la mise en œuvre, l’équipe de maîtrise d’œuvre a mis en place un processus de conception itératif en organisant des visites virtuelles avec maquettes et images 3D.
Les architectes ont valorisé différents revêtements bois en intérieur comme en extérieur. Les bardeaux de châtaignier sont très présents en revêtement extérieur. Ils ont également été inscrits en parement intérieur, sur la surface des parois de la zone d’accueil. « La rugosité des bardeaux constitue une surface démonstratrice tectonique du bois et de ses articulations mécaniques. Il peut également être lu comme un clin d’œil à l’écorce des arbres et aux aspérités de la nature sauvage », détaille Véronique Klimine. Environ 32 m3 de tavaillons de châtaignier fendus, en provenance de la Creuse, ont ainsi été mis en œuvre dans ce projet.

« Poignée de châtaigne », extension bois, à Vigneux-de-Bretagne (Loire-Atlantique)
Tristan Brisard Architecte (Loire-Atlantique)

Les bardeaux de châtaignier composent ici une façade vivante et vibrante, aux tons variés et chaleureux bien à elle, tout en rappelant l’aspect des murs en pierres alentour. ©Tristan Brisard Architecte

Façade ouest du pays, le bardeau de châtaignier, matériau rustique, se prête au dessin épuré d’une architecture contemporaine.

L’idée de l’architecte quant à l’habillage de cette extension d’une ancienne maison de pierre était de proposer aux maîtres d’ouvrage un autre matériau ancien, le plus local et le moins transformé possible. Imaginer un « mur qui vibre comme un mur en pierre », selon l’architecte, avec un produit bois le plus local possible. C’est la solution des bardeaux de châtaignier qui a été retenue, lesquels ont été fendus en Ille-et-Vilaine, département limitrophe. « Il y a, d’un côté, le dessin très contemporain de l’architecture, de l’autre, le choix d’un matériau plus rustique », précise l’architecte. Un travail de précision et de détail a été réalisé par celui-ci afin de gérer l’eau de pluie au mieux et d’éviter les coulures : les chéneaux et les cadres des menuiseries ont fait l’objet de toutes les attentions et d’un travail techniquement fin et abouti qui garantit le vieillissement homogène du bardage.
Les bardeaux étant cloués un par un très précisément, l’investissement en temps, donc en argent, du fait de la durée de la pose a été compensé par le parti de l’architecte concernant l’intérieur de l’extension : les panneaux de contreplaqué ont été laissés apparents, sans plaques de plâtre, ni mise en peinture. Si cela a réduit les coûts, c’est avant tout le « vivre bois » qui a été souhaité, expérience des plus agréables aux dires des habitants.

Les panneaux de contreplaqué ont été laissés apparents pour une ambiance bois en intérieur.
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