Quand forêt et gibier font bon ménage…

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Abroutissement, transport de graines, travail du sol… la présence des ongulés a des impacts très variés.
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En région Champagne-Ardenne, Grand-Est aujourd’hui, forestiers et chasseurs travaillent ensemble pour améliorer l’équilibre forêt-gibier de leur territoire. Depuis novembre 2014, avec l’aide de France Bois Forêt, ils ont mis leurs forces en commun autour de la création d’un observatoire régional. Une initiative qui a porté ses fruits et se poursuit en 2017.
Depuis plusieurs années, les producteurs de bois et gestionnaires de la forêt champardennaise constatent des difficultés pour régénérer leurs forêts. Ils doivent faire face notamment à l’augmentation des dégâts engendrés par le gibier sur les plants forestiers. Les impacts des ongulés sauvages sont nombreux. Les gestionnaires forestiers, qu’ils soient sylviculteurs, chasseurs ou environnementalistes, en ont cependant une perception très divergente, selon leurs centres d’intérêt. L’équilibre forêt-gibier est donc un concept complexe, qu’il faut aborder avec objectivité afin d’améliorer des débats souvent très passionnés. D’où la mise en place de l’Observatoire Champardennais de l’Équilibre Sylvo-Cynégétique (OCESC), une instance qui vise à faciliter le rapprochement entre le monde de la forêt et celui de la chasse.
État des lieux
Trois espèces d’ongulés vivent à l’état sauvage dans l’ex-région Champagne-Ardenne : le cerf, le chevreuil et le sanglier. Abroutissement, transport de graines, travail du sol… leur présence a des conséquences très diverses : modification de la dynamique forestière, survie des plantes, altération de la qualité des arbres à vocation économique… On parle de déséquilibre sylvo-cynégétique*. Des mesures sont prises pour limiter ces impacts par endroits (clôtures, protections individuelles des plants, méthodes alternatives pour repousser le gibier),
mais ces actions entraînent un surcoût pour les plantations et une dégradation visuelle du milieu forestier, notamment par la présence de grillages autour de parcelles entières. Dans ce contexte, PEFC Champagne-Ardenne, qui réunit autour de la table les professionnels de la filière forêt-bois, a souhaité lancer l’OCESC avec l’Union de la Forêt Privée de Champagne-
Ardenne (UFPCA) comme porteur du projet.
Un peu d’histoire
L’idée de créer un observatoire forêt-gibier en Champagne-Ardenne remonte à 2009. L’espoir des partenaires initiaux était de mettre en place un dispositif s’appuyant sur des expériences existantes, pour rassembler chasseurs et forestiers et présenter des résultats concertés sur les populations d’ongulés dans la région. Entre 2009 et 2012, les réunions multipartenariales se sont multipliées pour s’accorder sur les objectifs du projet, les partenaires, le rôle de chacun, les sources éventuelles de financements. C’est finalement France Bois Forêt qui a apporté son soutien pour le lancement de l’observatoire lors de la première phase de six mois, de mai à novembre 2014. Par la suite, l’OCESC a pu trouver des subventions auprès de l’État, du conseil régional de Champagne-Ardenne, du conseil départemental des Ardennes, puis de France Bois Forêt à nouveau pour la phase 2, soit de novembre 2014 à juin 2016. Ces financements ont notamment permis le recrutement d’un chargé de mission dédié à la coordination de l’observatoire.

Optimiser l’existant
Lors de la phase 1 du projet, le chargé de mission s’est rapproché des différents partenaires du programme. Son travail a consisté en la réalisation d’un état des lieux des données existantes. Car pour mesurer l’impact du gibier, des outils existent (lire encadré page 10). Validés par des organismes scientifiques spécialisés, ils fournissent des informations sur l’évolution de la densité de population, de la performance des animaux, ou encore, de la pression exercée sur le milieu forestier. Certains sont mis en place en Champagne-Ardenne depuis de nombreuses années, soit par les fédérations de chasseurs, soit par les représentants de la forêt privée ou de la forêt publique (Centre Régional de la Propriété Forestière et Office National des Forêts). Si un large panel d’indices est utilisé dans la région, leur couverture spatiale est très hétérogène. Peu de massifs forestiers sont pourvus des trois types d’indices nécessaires à un suivi optimal des populations d’ongulés, et de nombreux massifs en sont totalement dépourvus ou, du moins, n’ont pas d’informations pour l’ensemble des espèces présentes. Le but de l’observatoire est donc d’améliorer la couverture de ces outils en développant les nouvelles initiatives à l’échelle régionale. Car si le dispositif a pour vocation de servir de base aux prises de décisions, il est indispensable qu’il soit accepté par tous : un constat partagé ne peut l’être que sur un protocole qui l’est aussi.

Partenaires privilégiés, les chasseurs ont une bonne connaissance des méthodes de suivi des populations d’ongulés sauvages. Photo : Fotolia

Suspension et reprise
L’objectif de la phase 2 est de compiler les connaissances de chacun afin d’obtenir une vision complète et partagée de la situation. Il s’agit par exemple de présenter aux partenaires les avancées de l’observatoire lors de réunions et à travers la diffusion d’articles et de plaquettes, d’élaborer une analyse des données existantes sur la région et de développer de nouvelles données, de faire progresser les discussions entre chasseurs et forestiers… Le calendrier initial de cette deuxième phase devait courir jusqu’au 31 décembre 2015. Mais l’Union de la Forêt Privée de Champagne-Ardenne a dû s’adapter à divers imprévus politiques et structurels (réforme territoriale). Le programme a donc été étalé jusqu’au 30 juin 2016. Quant aux phases 3 et 4, elles ont dû être suspendues, en attendant que les différentes structures aient finalisé leurs fusions. Le travail devrait donc reprendre cette année. Si le dossier OCESC a été mis de côté, la mobilisation des différents partenaires n’a pas faibli pour autant. Les questions cynégétiques sont toujours d’actualité dans la région Grand-Est et l’ensemble de la filière forêt-bois a alerté le Préfet sur la question de l’équilibre forêt-gibier. Sur le terrain, les dispositifs de relevés continuent ; la plupart vont permettre, en 2017, d’aboutir à des résultats consensuels après trois ans de mesures.

En raison de la réforme territoriale, le programme de l’observatoire a été différé. Il devrait reprendre cette année et s’étendre à d’autres départements du Grand-Est

Perspectives
Lors de la relance du projet, il faudra envisager une réflexion plus large, intégrant éventuellement d’autres territoires, tels que la Meuse ou les Vosges. La mise en place d’indices nouveaux sera par ailleurs étudiée selon leur coût et leur consommation en main-d’œuvre : les partenaires ne disposent pas de techniciens dédiés exclusivement aux questions cynégétiques, et, surtout, les budgets des organismes forestiers sont réduits d’année en année. La formation des personnels de terrain est donc primordiale. La réflexion devra également porter sur la sélection de massifs forestiers où sont mis en place les indices, en privilégiant ceux où les enjeux sont importants. Enfin, il sera nécessaire d’animer et de dynamiser la mise en place et le suivi des dispositifs sur les massifs sélectionnés, de façon conjointe entre chasseurs et forestiers. Les fédérations départementales de chasse ont une bonne connaissance des méthodes de suivi des populations d’ongulés sauvages ; ce n’est pas toujours le cas chez les propriétaires forestiers. Des séances d’information et de formation doivent donc être réalisées. Une question demeure : ce modèle est-il transposable ailleurs ?

Sanglier  Chevreuil Cerf
Ardennes  7 308 5 826 585
Aube  6 897 7 839 735
Marne 13 418 8 672 1 089
Haute-Marne 10 311 13 091 819
Région 37 934  35 428  3 228

 

Trois outils majeurs
De nombreux indices ont été développés pour suivre l’évolution de la relation entre population animale et milieu forestier : ce sont les indicateurs de changement écologique (ICE). La démarche ICE part du principe que, dans nos éco­systèmes forestiers tempérés, il est impossible de définir de manière précise l’effectif des populations d’ongulés. Le milieu est, en effet, trop fermé pour pouvoir dénombrer facilement les animaux. L’alternative consiste alors à se baser sur les ICE, lesquels mesurent des paramètres qui permettent de détecter un changement d’effectif de la population pour une qualité d’habitat qui reste stable.

On compte trois types d’ICE :
• les indicateurs d’abondance des animaux, qui apportent une information sur l’évolution des effectifs d’ongulés ;
• les indicateurs de performance individuelle, qui renseignent sur l’évolution de l’état physique des animaux ;
• les indicateurs d’impact sur le milieu, qui indiquent la consommation de broussailles et de jeunes arbres par les ongulés.

Description de quatre situations d’équilibre/déséquilibre du système ongulés-environnement, en fonction de l’évolution des trois familles d’ICE (abondance en noir, performance en rouge, pression en vert). Dans le cas d’une stabilité de l’abondance : (A) équilibre si la performance et la pression sont également stables et (B) déséquilibre si la performance diminue mais que la pression augmente (ex. : détérioration du milieu). Dans le cas d’une augmentation de l’abondance : (C) équilibre si la performance et la pression sont stables
(ex. : colonisation) et (D) déséquilibre si la performance diminue mais que la pression augmente.

Pour en savoir plus :
ardennes.gouv.fr
cnpf.fr
foretpriveefrancaise.com
onf.fr
pefc-france.org

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