Huit questions au général d’armée Jean-Louis Georgelin

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Huit questions au général d’armée Jean-Louis Georgelin, représentant spécial du président de la République, président de l'établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris
Photo : Alexis Komenda/C2RMF

Où en est-on dans la restauration de la cathédrale ?

À moins de deux ans de la réouverture de la cathédrale, les travaux de restauration battent leur plein. Le nettoyage simultané des murs, des décors peints et des voûtes, qui mobilise de nombreux compagnons et artisans d’art, est bien avancé. Les échafaudages du transept sud et d’une partie de la nef – dont les restaurations sont à présent terminées – sont désormais complètement démontés, permettant de découvrir toute la beauté et la richesse des volumes intérieurs restaurés. La phase de maçonnerie est, elle aussi, bien avancée. Les maçons tailleurs de pierre ont, en novembre dernier, refermé la première voûte effondrée, dans le transept nord. En février, nous avons procédé au remontage des arcs diagonaux et de l’oculus de la voûte de la croisée afin de permettre aux travaux de reconstruction de la flèche de se poursuivre par la pose des bois de taille exceptionnelle qui constituent son socle, le tabouret. La reconstruction des voûtes de la nef et du chœur sera, quant à elle, achevée dans quelques mois. Enfin, les travaux de charpente sont en cours en atelier : ils comprennent ceux de la flèche de Viollet-le-Duc, des deux bras du transept, de la nef et du chœur. Du printemps jusqu’à la fin de l’année, on verra s’élever progressivement dans le ciel de Paris la flèche et le grand comble. Ce sera un signe bien visible que l’on se rapproche de la réouverture de la cathédrale.

Cette flèche, c’est le défi majeur de la reconstruction ?

C’est un de nos grands défis, de même que l’objectif d’une réouverture en cinq ans, fixé par le président de la République. Ces délais sont exigeants, mais réalistes, et nous avons la chance, en France, de disposer des savoir-faire. Nous sommes donc confiants en notre capacité collective de reconstruire cette flèche.

Combien de corps de métiers a-t-il fallu mobiliser ?

Une centaine d’entreprises et d’ateliers d’art a été sélectionnée sur appels d’offres, et une centaine de lots de travaux a été attribuée. Cinq cents compagnons, artisans d’art et encadrants travaillent quotidiennement dans la cathédrale, et autant partout en France, en ateliers. Chaque jour, nous sommes près d’un millier à l’œuvre pour relever cette cathédrale.

Au moment où de nombreux secteurs sont en tension, vous ne rencontrez pas de problème de recrutement ?

Nous avons la chance d’avoir les compétences, et c’était bien sûr une condition requise. Ces compétences françaises, nous les devons au patrimoine immense de notre pays et à son entretien au fil des années : nous disposons d’un inestimable tissu d’ateliers d’art et de métiers spécialisés. Leur existence n’est cependant jamais un acquis. Il faut en avoir le souci, et c’est pour cela que, parallèlement à la maîtrise d’ouvrage du chantier de restauration de la cathédrale, nous avons la mission de faire connaître et aimer ces métiers, de travailler à leur pérennité en suscitant des vocations. C’est l’objectif majeur de la Maison du chantier et des métiers que nous avons ouverte au plus près de la cathédrale, sous le parvis, en accès libre et gratuit, afin de permettre au plus grand nombre de touristes, de familles et d’enseignants, de s’y rendre (voir encadré).

Dans un récent rapport rendu public, la Cour des comptes indique que « les conditions permettant d’assurer la réouverture de la cathédrale en 2024 semblent aujourd’hui réunies ». Le pari de la réouverture en 2024 sera-t-il donc tenu ?

Grâce à l’engagement de tous les intervenants, à l’établissement public, à la maîtrise d’œuvre emmenée par Philippe Villeneuve, architecte en chef des monuments historiques, et aux entreprises, le chantier avance dans le respect du calendrier prévu. Notre-Dame mobilise une grande diversité d’entreprises. On trouve aussi bien des PME, fleurons des monuments historiques, que des artisans d’art et des entrepreneurs individuels. Rarement une telle diversité de métiers et de savoir-faire a été réunie. Je suis profondément frappé par l’amour du travail bien fait qui anime chacun d’entre eux, ainsi que par leur enthousiasme et leur fierté de travailler sur ce chantier. Tous sont portés par la même énergie. Sur le chantier, vous ne rencontrerez plus personne qui doute de l’objectif des cinq ans. Tous partagent une même foi en l’accomplissement de la mission que nous avons reçue.

Montage des cintres pour la reconstruction des arcs de la croisée du transept et de l’oculus. Photo : David Bordes/établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris

Avec le recul, une nouvelle charpente en bois de chêne pour Notre-Dame de Paris, était-ce une évidence ?

Avec les architectes en chef des monuments historiques, nous avons proposé à la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, dès le 9 juillet 2020, des partis de restauration à l’identique : les charpentes en bois de chêne, la couverture du grand comble en plomb et la restitution de la flèche de Viollet-le-Duc. En cohérence avec la charte de Venise et la doctrine patrimoniale, ces partis de restauration permettaient non seulement de préserver l’authenticité, l’harmonie et la cohérence de ce chef-d’œuvre de l’architecture gothique, mais aussi d’en garantir les meilleures qualités structurelles et plastiques. Ce choix a été conforté par la mobilisation de la filière forêt-bois. Les mille chênes nécessaires à la restitution des charpentes de la flèche, du transept et de ses travées adjacentes ont été généreusement offerts par les forêts publiques de l’État gérées par l’Office national des forêts, les communes forestières et les propriétaires forestiers privés. Je tiens à remercier, ici, les très nombreux donateurs ainsi que l’ensemble des membres de l’Interprofession nationale France Bois Forêt qui se sont pleinement mobilisés à nos côtés pour identifier les chênes présentant les qualités techniques requises et en organiser la récolte, le transport, puis le sciage.

La charpente de la cathédrale dite « la forêt » du 21e siècle sera-t-elle identique à celle du 13e siècle ?

La restitution, avec les techniques du 13e siècle, de la ferme n° 7 de la cathédrale, entreprise dès 2019 avec succès, par l’association Charpentiers sans Frontières a représenté une opportunité de comprendre les techniques traditionnelles et de nourrir ainsi le projet de restauration des charpentes médiévales de la nef et du chœur de Notre-Dame de Paris. Ils ont contribué, par leurs conseils avisés, à la préparation du grand chantier de restauration en cours. Si la « forêt » restituée ne peut être identique au sens strict, l’usage de ces techniques ancestrales dans sa réalisation est un hommage rendu allant bien au-delà de la simple copie.

La mobilisation du public est-elle encore au rendez-vous ?

Bien sûr ! Le succès croissant du Village du chantier installé chaque année sur le parvis à l’occasion des Journées européennes du patrimoine témoigne de tout l’intérêt que le public continue à porter au chantier. En seulement deux jours, en septembre dernier, nous avons accueilli plus de 21 000 visi­teurs. C’est pourquoi, pour y répondre pleinement, outre la Maison du chantier et des métiers, nous avons fait le choix de coproduire une exposition à la Cité de l’archi­tecture et du patrimoine. Elle offre notamment une occasion unique d’admirer au plus près les seize statues monumentales de la flèche restaurées1, avant qu’elles ne soient reposées sur la flèche reconstruite.

« Notre-Dame de Paris : au cœur du chantier », Maison du chantier et des métiers

Espace Notre-Dame, parvis de la Cathédrale (entrée face au 6 rue de la Cité), 75004 Paris

Métro Cité (ligne 4) ; métro Hôtel-de-Ville (ligne 1) ; RER B Saint-Michel/Notre-Dame

Du mardi au dimanche, de 10 h à 20 h

Accès libre et gratuit, sans réservation

Plus d’informations sur : rebatirnotredamedeparis.fr

POUR ALLER PLUS LOIN 

La Fabrique de Notre-Dame, Journal de la restauration, 116 pages, 12 euros (l’intégralité des bénéfices est reversée au projet de restauration)

Numéro 4 en vente à la Fnac, en librairie et en ligne : https://boutique.connaissancedesarts.com/produit/la-fabrique-de-notre-dame-n-4

Suivez l’actualité du chantier sur @rebatirnotredamedeparis sur Facebook, Instagram et YouTube. 

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