Sous la houlette du Conseil national du peuplier (CNP), les chercheurs et techniciens du CNPF-IDF et de FCBA ont mis au point un protocole expérimental pour conserver les plançons de peuplier dans un contexte d’évolutions climatiques et d’hivers de plus en plus doux. Une action soutenue par France Bois Forêt.
S’adapter aux effets des changements climatiques prend parfois des tournures inattendues. Exemple en populiculture. Traditionnellement, les propriétaires renouvellent leurs parcelles de peupliers en mettant en terre des plançons, grandes et fines tiges de 5 mètres de longueur. « Pour éviter les échecs, cette plantation doit se faire avant que le plançon ne débourre3 », précise Emmanuel Naudin, chargé de mission pour le Conseil national du peuplier (CNP). Les pépiniéristes livrent donc les plançons en hiver et au début du printemps. Problème : avec l’adoucissement des hivers, les bourgeons ont tendance à éclore plus tôt et parfois quand les parcelles sont encore inondées, ce qui réduit les périodes favorables aux plantations, voire contraint les populiculteurs à les repousser d’une année sur l’autre avec les problèmes qui en découlent.
Maîtriser le cycle végétatif
D’où l’idée de maîtriser débourrement et rhizogenèse. Le contrôle du cycle végétatif devant faciliter la mise à disposition des plançons au meilleur moment pour chaque parcelle. Solution envisagée : conserver les plançons en chambre froide avant leur plantation. Afin d’expérimenter cette possibilité, 4 860 plançons, de cinq cultivars5 représentant l’éventail des périodes de débourrement, ont été plantés dans trois zones climatiques distinctes : Pays de la Loire (Longué-Jumelles, Maine-et-Loire), Grand-Est (Vaucogne, Aube) et Nouvelle-Aquitaine (Villeton, Lot-et-Garonne).
Les plantations ont été réalisées à quatre dates différentes entre le 20 février et le 1er juin 2023 pour pouvoir identifier la période limite de plantation. Les mesures des suivis de chaque plant ont été effectuées à six dates de fin février à fin octobre 2023. Au préalable, début février 2023, les deux tiers des spécimens avaient donc été mis en stockage en chambres froide à très froide : à froid positif pour un premier tiers, à froid négatif6 pour un deuxième ; les autres suivant un parcours classique en jauge extérieure témoin.
Résultats prometteurs
Quelques mois plus tard, les résultats de l’expérimentation sont prometteurs. Le passage en chambre froide a permis d’allonger la période de plantation d’environ deux mois par rapport aux dates habituelles (selon les régions jusqu’à fin avril ou fin mai) tout en conservant un excellent taux de reprise, c’est-à-dire au-delà de 90 %, voire 95 %, mais aucun seuil n’est défini. Il laisse aussi espérer un léger gain de croissance en première année, sans doute à la condition que les entretiens soient bien réalisés au pied des plants et que l’on s’abstienne de planter trop tardivement (avril-juin). Il est donc confirmé que le stockage de plançons au froid permet d’allonger de manière significative et sécurisée la période habituelle de plantation. Seule précaution : ne pas stocker les plançons à proximité de certaines denrées alimentaires. Par exemple, « même en chambre froide, les pommes émettent de l’éthylène, ce qui favorise le débourrement d’autres végétaux », rappelle Emmanuel Naudin.
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