Des mois durant, les chercheurs de FCBA, de l’Inrae, de l’ONF et du CNPF-IDF ont arpenté des parcelles qui n’étaient plus suivies depuis des décennies. Objectif de ce programme intitulé Refer : déterminer les essences naturellement les plus résilientes vis-à-vis des effets du réchauffement climatique. Les premiers résultats sont là.
L’adaptation de la forêt française au réchauffement climatique impose d’importants programmes de renouvellement. Cette entreprise ne réussira qu’à la condition de savoir quelles essences implanter et à quel endroit. C’est un des objectifs du réseau mixte technologique d’adaptation des forêts au changement climatique (RMT Aforce).
Évaluer le potentiel
Nommé Refer, pour Réseau expérimental forestier d’essences de diversification pour le renouvellement des forêts, ce dispositif, soutenu depuis 2021 par France Bois Forêt, a trois objectifs principaux : « Revisiter les parcelles qui existent dans de nombreux points de l’Hexagone, voir leur évolution, enfin, évaluer la qualité du bois et leur potentiel de production de graines », explique Alain Berthelot, ingénieur de recherche à FCBA. Chacun des partenaires – FCBA, Inrae, ONF, CNPF-IDF – a mobilisé son réseau, qu’il s’agisse de véritables expérimentations scientifiques, de parcelles de comparaison d’espèces ou de simples parcelles en gestion. Dans la plupart des cas, il s’agissait de plantations pour lesquelles les partenaires ne disposaient pas d’informations récentes.
Focalisation sur la Méditerranée
Au total, 490 placettes, installées sur 184 sites à contextes pédoclimatiques variés, ont été investiguées. Chaque site mesuré a fait l’objet d’une fiche « parcelle », et l’ensemble des données a été compilé. Une grande partie du territoire métropolitain a été explorée, mais les recherches se sont particulièrement focalisées en région méditerranéenne. « Son climat actuel préfigure celui qui régnera dans quelques décennies dans d’autres secteurs de l’Hexagone », justifie Alain Berthelot. Cette vaste enquête de terrain a permis d’obtenir des données d’adaptation, de croissance, voire de productivité sur une quinzaine d’essences peu ou mal connues et sur cinq autres redécouvertes au fur et à mesure. « Les données devraient permettre de prévoir les lieux où il est pertinent d’aller chercher des échantillons de bois pour une caractérisation de ses propriétés. De la même façon, les sites qui pourraient présenter un intérêt en termes de fourniture de matériel génétique, voire de source de graines, sont identifiés », précise Alain Berthelot.
Dynamique de recherche
La redécouverte de ces essences implantées sur le territoire depuis longtemps permettra, au moins pour certaines d’entre elles, d’enrichir la base de données Climessences développée dans le cadre du RMT Aforce. Le projet Refer a permis de relancer une dynamique de recherche et de suivi de parcelles « originales ».
Ce travail pourra perdurer au-delà du projet car les réseaux sont riches et il reste sans aucun doute d’autres parcelles susceptibles de fournir des compléments d’informations sur les essences peu communes. Le dépouillement de cette masse d’informations ne sera pas achevé avant l’été 2024, « mais les premiers résultats sont encourageants », se félicite Alain Berthelot.
Zoom sur des prétendants
Les premières observations concernant le séquoia toujours vert (Sequoia sempervirens) par exemple sont prometteuses. La plupart de ces arbres sont situés en Normandie, au Pays basque ou en Bretagne. Mais certaines plantations ont été retrouvées dans le Sud-Est de la France. Et ses performances ont agréablement surpris les forestiers : « Il se comporte bien à de fortes températures ambiantes, et sa croissance est relativement rapide », confirme Alain Berthelot. Naturellement durable et imputrescible, le matériau fourni par ce géant possède la particularité de très bien se conserver à l’extérieur et de fournir des bardages et des aménagements d’excellente qualité. Sa productivité fera des envieux : « Dans de bonnes conditions, on peut espérer une production de trente mètres cubes par hectare et par an, soit deux fois plus qu’une peupleraie ou cinq à six fois plus qu’une chênaie. » Son pire ennemi est le gel, un phénomène voué toutefois à se raréfier en période de réchauffement. Autre candidat au renouvellement des forêts de l’Hexagone : le sapin de Bornmüller (Abies bornmuelleriana). Originaire du nord de la Turquie, ce cousin du sapin de Nordmann (Abies nordmanniana) résiste bien aux températures très basses ou très élevées. « Sa tolérance à la sécheresse est supérieure à celle du sapin pectiné, et sa production de bois est comparable. » Son bois n’a pas encore été testé.
Mais la bibliographie scientifique l’apparente à celui des autres variétés de sapins. Seul bémol : son implantation est difficile. « Il ne sera pas facile de trouver des propriétaires forestiers qui accepteront de prendre ce risque », estime Alain Berthelot. Bien connu des Girondins pour l’avoir beaucoup planté dans le massif des Landes de Gascogne après les tempêtes de 1999, le pin taeda (Pinus taeda) est présent le long de la côte atlantique. Mais avec l’évolution du climat, il semble pouvoir explorer bien d’autres territoires vers le nord-est de l’Hexagone. Les parcelles redécouvertes par les forestiers du programme Refer n’étaient plus suivies depuis 35 ans. « Étonnament, les arbres y étaient vigoureux, droits et assez peu branchus », s’enthousiasme Alain Berthelot.
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