Les professionnels de la filière en Provence-Alpes-Côte d’Azur relancent l’usage de la première essence provençale en bois d’œuvre. Un travail de longue haleine.
C’est l’histoire d’une résurrection. Longtemps, le pin d’Alep fut le bois roi en Provence-Alpes-Côte d’Azur. S’étendant sur 223 000 hectares dans les forêts du Grand Sud1, il était le matériau de prédilection des chantiers navals marseillais, des bâtisseurs de mas, des producteurs de térébenthine. La disparition progressive des petites scieries locales, des gemmeurs et des résiniers a bouleversé la donne. « Aujourd’hui, la quasi-totalité du pin d’Alep régional est utilisée pour la trituration, la production de bois énergie, voire la fabrication de palettes, alors que 15 à 30 % des volumes mériteraient un usage plus noble », confie Jérôme Bonnet, directeur des Communes forestières en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Une norme de qualification en 2018
Sous l’impulsion des propriétaires forestiers, la filière a renversé la vapeur. « Entre 2014 et 2019, les propriétaires et gestionnaires forestiers réunis au sein de France forêt PACA ont entrepris un gros travail de qualification du pin d’Alep », poursuit Jérôme Bonnet. Financé par France Bois Forêt, ce programme a mené, en 2018, à la publication de la norme NF B52001 sur le bois massif utilisable en bois de structure. Restait à mobiliser l’ensemble de la filière.
L’identification des marchés
Fibois Sud a rejoint l’initiative et s’est ensuite attaché à identifier les niches régionales porteuses pour cette essence. Un travail de sélection auquel ont participé propriétaires forestiers, architectes, bureaux d’études, charpentiers, scieurs, exploitants, techniciens de l’ONF et élus des communes forestières a été mené. Avec les scieurs et les charpentiers, l’association régionale a validé les produits identifiés et s’est assuré qu’ils pouvaient être réalisés par les transformateurs locaux. « Ce travail technique et économique a été synthétisé dans un guide de présentation des produits de construction en pin d’Alep disponibles dans la région », indique Jérôme Bonnet.
Détermination des bonnes pratiques
Bois court, d’une quinzaine de mètres maximum, parfois tordu par le vent, le pin d’Alep se travaille sur de petites longueurs. Il est donc important de déterminer les bonnes pratiques de récolte et de collage afin d’ouvrir les marchés des produits en bois massif abouté (BMA) et lamellé-collé. L’ONF, également partenaire, a développé des outils de classement visuel du bois pour discerner sur pied la part de « pin blanc » pouvant servir au bois d’œuvre et celle destinée à l’emballage ou à la production d’énergie. Sous la tutelle du laboratoire FCBA et de Ceribois2, de nombreux essais de collage, réalisés par des charpentiers, sont en cours. Avec pour objectif d’obtenir les certifications Acerbois Glulam (pour le lamellé-collé) et CTB composants et système bois (pour le BMA). « Le pin d’Alep étant très dense et très résineux, il faut développer de nouvelles techniques pour permettre à la colle de pénétrer dans les pores du bois », rappelle le directeur des Communes forestières en région Paca.
Le pin d’Alep retrouve sa place
Conquis, les maîtres d’œuvre et d’ouvrage provençaux (re)commencent à utiliser le bois local. À Septèmes-les-Vallons (13), la nouvelle chèvrerie municipale est entièrement construite en pin d’Alep. Ce bâtiment pionner de 470 m2 est aussi un excellent support de sensibilisation à destination des professionnels. Fibois Sud et l’ONF ont de leur côté mené d’importantes campagnes de communication dans la presse et les revues de la filière forêt-bois. Ces campagnes pourront s’étendre à d’autres régions. Résistant à la sécheresse, le pin d’Alep est appelé à sortir de l’arc méditerranéen à mesure que le réchauffement fera sentir ses effets dans les régions septentrionales. Les premiers essais de plantation sont menés par l’ONF en Auvergne-Rhône-Alpes.