RMT Aforce : la forêt du futur
Recherche et développement, enseignement et formation, instituts techniques, gestionnaires forestiers publics et privés… Pas moins de seize organismes1 composent le RMT Aforce2. Soutenu, entre autres, par France Bois Forêt3, ce réseau pluridisciplinaire œuvre, à travers ses différents travaux collaboratifs, pour l’adaptation des forêts au changement climatique. Tour d’horizon de ses champs d’action.
« Notre mission est de capter et de rassembler des données essentielles sur le changement climatique, pour mieux les restituer et les valoriser auprès des professionnels de la filière forêt-bois. Son rôle est aussi d’apporter des réponses à leurs questionnements et de les accompagner dans ce contexte inédit », explique Éric Sevrin, directeur de l’Institut pour le développement forestier et coordinateur du RMT Aforce.
Formations, ateliers, appels à projets, travaux portant sur la gestion des peuplements et celle des risques… sont autant de cordes à son arc : « Le réseau publie ensuite les résultats de ces travaux, organise des colloques de restitution de manière à redistribuer l’information… » Laquelle est à disposition sur le site reseau-aforce.fr.
Biodiversité et résilience
Parmi les programmes mis en place, citons la plateforme ClimEssences développée par plusieurs partenaires5 et le réseau Esperense financé par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (voir encadrés). Ou encore le projet Trec (Transfert raisonné en espèces introduites), conduit par l’Office national des forêts, dédié à la recherche de voies d’approvisionnement fiables en graines d’espèces mal connues sur le territoire, aux productions de plants, puis à leur mise à disposition : « C’est une aide aux pépiniéristes », résume notre interlocuteur.
Par ailleurs, le RMT a initié une étude prospective sur l’adaptation des forêts au changement climatique, aujourd’hui intégrée au projet Life Artisan (Accroître la résilience des territoires au changement climatique par l’incitation aux solutions d’adaptation fondées sur la nature). « Dans ce cadre, nous allons dans trois forêts distinctes, à savoir, en plaine à Chantilly, dans l’Oise ; en montagne, à Saint-Dié-des-Vosges ; et en secteur méditerranéen, dans l’Ardèche. Objectif : observer comment les itinéraires sont intégrés et modifiés par les usagers de la forêt au sens large… », détaille-t-il.
Guide, outils et vidéos
Et ce n’est pas tout… Différents supports sont mis à disposition des professionnels sur le site. Ainsi, dix fiches thématiques portant sur l’adaptation des forêts au changement climatique sont prévues sous la forme de questions-réponses. Six d’entre elles sont déjà rédigées et téléchargeables : entre autres, comment évaluer l’avenir d’un peuplement forestier, sur quels critères choisir les essences à planter… Également téléchargeable et édité à 3 000 exemplaires, le Guide de gestion des crises sanitaires en forêt, réactualisation de la première version de 2010, intègre les enseignements des crises survenues ces dix dernières années.
Derrière chaque projet ou contribution, il y a la volonté de mieux communiquer sur les actions menées au niveau national et régional. « Face à la surabondance des sources d’informations, nous devons aller au devant des professionnels. Le RMT Aforce s’attache à optimiser la communication numérique : LinkedIn, mise à jour du site, création d’une chaîne YouTube. Le réseau souhaite également favoriser la circulation des informations du national au régional, et inversement », conclut Éric Sevrin.
Le réseau Esperense pour maintenir des peuplements productifs
Financé par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (MAA), le réseau Esperense – pour Réseau national multipartenaire d’évaluation de ressources génétiques forestières pour le futur – vise à mettre en place un réseau collectif d’expérimentations de nouvelles espèces dans le but d’identifier rapidement le matériel génétique du futur. Comment ? En créant des dispositifs de comparaison d’espèces et de provenances afin d’étudier leur survie et leur développement dans différents contextes de stations forestières, ainsi que des tests en gestion courante appelés « îlots d’avenir », afin de suivre leur comportement grandeur nature. Pour mieux cerner la résilience des espèces face au changement climatique, il convient d’étudier non seulement les mesures de croissance et de mortalité en tests in situ, mais aussi le fonctionnement physiologique sous contrainte, telle l’analyse des effets du stress hydrique sur des plants en serre.
Au préalable, un cadre global est fixé, avec liste des essences et provenances à évaluer, protocoles de tests à mettre en place, définition des systèmes forestiers à enjeu de production de bois et considérés comme vulnérables. Par ailleurs, un cahier des charges fixera les exigences de mise en place d’une plateforme d’échanges multipartenaires dédiée au partage des données d’expérimentation, s’appuyant sur les bases existantes.
Esperense devrait, à terme, favoriser une meilleure connaissance du comportement des essences et provenances, permettre d’identifier les essences de substitution mieux armées que celles en place pour lutter contre le changement climatique, de cartographier les zones à enjeux et vulnérables, d’organiser les besoins d’approvisionnement en graines et plants, de rationaliser les essais. « C’est un travail collaboratif d’installation avec des protocoles qui seront identiques dans toute la France, de façon à comparer les résultats et à acquérir des données précieuses pour le futur. » Protocoles qui seront présentés sous forme de plateformes.
Ce préalable est indispensable à l’identification des essences de substitution potentielles aux essences vulnérables en place dans le territoire. Cas concret : la forêt domaniale de Guérigny, dans la Nièvre, abrite, depuis mars 2021, une plantation expérimentale du réseau Esperense.
Soutenue en partie par France Bois Forêt1, la plateforme ClimEssences a été mise en ligne en juillet 2021. Aujourd’hui opérationnelle, elle est l’aboutissement d’une succession de contributions menées depuis dix ans par le RMT Aforce, sur l’aide à la décision en termes de choix des espèces. Ce site offre deux outils. Le premier est la base de données essences baptisée « Caravane », qui répertorie 150 espèces forestières de France
et d’ailleurs, associées à leurs exigences climatiques, écosystémiques, géographiques, sylvicoles, pédologiques (relatif à l’étude des caractères physiques, chimiques et biologiques des sols).
Le second, « IKS »2, est un outil de modélisation cartographique de la compatibilité climatique des essences. Objectif : simuler l’évolution de l’aire de répartition de l’espèce au cours du temps, sur la base de deux scénarios de futur climatique (voir encadré) établis par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) –, selon trois modélisations possibles (optimiste, intermédiaire et pessimiste), et cela à l’horizon 2050 puis 2070. « Ces simulations, à l’échelle des régions forestières, sur le maintien, le développement ou le dépérissement de telles ou telles espèces dans un futur climatique donné, sont essentielles. » Outre une meilleure compréhension des conséquences de l’évolution du climat sur les essences actuelles, ces simulations délivrent des informations fiables qui permettent de cibler les espèces les plus adaptées selon les climats attendus dans une région donnée.
Véritable support de référence, ce site devrait orienter les travaux des forestiers et nourrir l’enseignement pratique aux étudiants en foresterie de tous niveaux. Des formations au mode expert ont été organisées durant l’année 2021 afin d’accélérer le déploiement de l’outil.
Pour en savoir plus :
• reseau-aforce.fr
• climessences.fr
• agriculture.gouv.fr
• franceboisforet.fr