Maladie de Lyme, comment l’étude du taon aide-t-elle à mieux comprendre… Qui dit tique, dit maladie de Lyme et sa cohorte de co-infections, cet hématophage pouvant être l’hôte d’une légion de bactéries, virus et autres. Mais quid du taon, qui se nourrit également de sang ? C’est tout l’objet de cette étude soutenue par France Bois Forêt : déterminer si le taon est porteur de ces mêmes agents pathogènes et, surtout, s’il peut les transmettre.
Pathologie complexe provoquée par la bactérie appelée Borrelia burgdorferi, la maladie de Lyme, ou borréliose de Lyme, est aujourd’hui l’une des dix maladies infectieuses les plus fréquentes en France, notamment dans le Grand-Est et la Bourgogne-Franche-Comté. Son vecteur le plus répandu est l’Ixodes ricinus, une tique dure hématophage, qui est également porteuse d’autres agents infectieux à l’origine de co-infections. D’où la grande variété des symptômes observés chez les patients atteints, loin d’être tous dus à la seule Borrelia. D’ailleurs, certains chercheurs jugent réducteur le terme de maladie de Lyme et préfèrent parler de crypto-infections, c’est-à-dire d’infections dissimulées dans l’organisme. L’objet de l’étude était de déterminer si d’autres insectes hématophages, tels les taons, pouvaient être porteurs de ces mêmes agents pathogènes que la tique et s’ils étaient susceptibles de transmettre cette maladie et sa cohorte de co-infections. Une recherche pertinente pour l’univers forestier quand on sait que ces insectes diurnes affectionnent, outre les pâturages et les points d’eau, les bois, surtout s’ils sont humides.
Pas de Borrelia
Durant l’été 2020, la Société d’histoire naturelle Alcide-d’Orbigny (SHNAO) a prélevé, pour les besoins de l’étude, 82 taons femelles – ce sont elles qui nous mordent ! – dans divers endroits du Cantal, du Puy-de-Dôme et de la Haute-Loire. Chaque spécimen a fait l’objet d’une caractérisation très précise de l’espèce. Les deux plus communes en Europe étant le taon des pluies, Haematopota pluvialis (de 8 à 12 mm), dont nous redoutons les piqûres très douloureuses, le taon des bœufs, Tabanus bovinus, plus gros (de 19 à 24 mm), qui importune rarement l’homme. Sur les lieux de prélèvement localisés par GPS, sont notés les animaux éventuellement à proximité (sangliers, cerfs, chevreuils, chevaux). Les recherches PCR1 ont porté sur une trentaine de bactéries, parasites et virus.
Chasse aux taons dans le Cantal, à l’aide d’une bâche noire et d’un filet. La bâche en plastique sombre est un piège classique qui utilise la sensibilité des taons à la polarisation de la lumière.
Les premiers résultats démontrent que taons et tiques ont en commun un certain nombre d’agents pathogènes. Reste à savoir si les premiers, dont les morsures sont de courte durée, peuvent être des vecteurs comme les secondes qui, en revanche, restent plus longuement accrochées à l’homme. À titre d’exemple, les moustiques transmettent le Plasmodium, parasite voisin de Babesia et Theileria, alors que leur piqûre est brève.
En outre, aucune espèce de Borrelia (agent de la maladie de Lyme) n’a été décelée. Mais l’échantillon de taons étudié est à priori trop faible pour exclure définitivement la présence de la bactérie chez ces insectes. La sécheresse en 2020 a limité le nombre d’éclosions, d’où la petite quantité de spécimens capturés. Faible échantillon certes, mais qui a permis de relever la présence de deux virus émergents : Bourbon (découvert au Kansas en 2015) et West Nile Virus (responsable de la fièvre du Nil occidental).
Une étude élargie à l’ensemble du territoire français devrait permettre d’affiner ces premiers résultats, notamment avec le séquençage de l’ADN (acide désoxyribonucléique) pour caractériser les différents germes relevés. En attendant, un conseil aux forestiers : les taons femelles, celles qui mordent, sont sensibles au degré de polarisation de la lumière réfléchie, plus élevé sur les couleurs foncées. Donc optez pour des vêtements clairs…
1 PCR, Polymerase Chain Reaction ou réaction de polymérisation en chaîne.
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