Bleuissement du bois : vers un traitement plus écologique

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Identifier un traitement, le plus universel possible, d’un impact limité sur l’environnement et la santé, pour empêcher le bleuissement du bois de palette. C’est la finalité des programmes Bluepalette et Optiblue déployés sur trois ans et pilotés par la commission palettes de la FNB (Sypal), avec le soutien financier de France Bois Forêt et de la Région Auvergne-Rhône-Alpes (Aura). 

Large modern warehouse with forklifts
Le développement du champignon du bleu est directement lié aux modalités de stockage (en extérieur, sous abri, selon certains critères de température…).

Défini dans les normes Afnor2 et EN 13698, le bleuissement du bois de palette est considéré comme un désordre esthétique. Une appellation logique « dans la mesure où ce changement de couleur (provoqué par un champignon lignicole, NDLR, voir encadré) est sans conséquences sur la robustesse de la palette ni, plus largement, sur les propriétés mécaniques du bois », précise Michael Lecourt, chef de projet à l’institut technologique FCBA1. Cela dit, cette coloration induit une interrogation infondée quant à la qualité de la palette et qui peut, par ricochet, s’étendre au produit stocké sur celle-ci. Doute qu’il convenait de lever afin de rassurer les professionnels et d’éviter qu’ils ne se détournent de ce matériau au profit d’un autre – le plastique par exemple. C’est un des enjeux du programme Optiblue lancé en 2017, lequel a fait l’objet d’une restitution par visioconférence, élargie à plusieurs professionnels, en septembre 2020. 

Alternative aux produits chimiques 

« La demande émanait, à l’origine, de l’industrie de la palette, via son syndicat, le Sypal3, qui recherchait des solutions pour limiter le développement de ces désordres, indique Michael Lecourt. Il y avait également la volonté d’anticiper l’avenir. » Les produits biocides certifiés actuellement sur le marché reposent sur des formulations complexes. En outre, leur impact sur l’environnement peut être non négligeable, et il n’est pas exclu que la législation évolue et contraigne l’usage de certaines molécules. « Il y avait donc une attente forte en termes de solutions alternatives susceptibles de se substituer aux traitements existants. L’objectif étant également de véhiculer une image positive sur le plan environnemental. Il y a une vraie motivation d’aller vers des formulations simples et mieux maîtrisées. » Quant aux traitements thermiques (haute température, séchage) ou électriques (plasma, micro-ondes…) pour se prémunir du bleuissement, ils impliquent une mise en oeuvre relativement contraignante. 

Burban Palettes, spécialistes depuis 25 ans dans la collecte, le tri et la réparation des palettes usagées à Saint- Thibault-des-Vignes (77). Photo : Sypal
Un traitement efficace : les éprouvettes de laboratoire sont recouvertes par le champignon du bleu uniquement sur la partie supérieure non traitée. Photo : FCBA

Le projet Optiblue a été mené en plusieurs phases selon « une démarche en entonnoir ». Une fois posées les conditions dans lesquelles ce phénomène de bleuissement survient, en lien avec les modalités de stockage (en extérieur, sous abri, selon certains critères de température…), la première étape a consisté à inventorier, sur la base d’une importante bibliographie, les produits alternatifs, restés jusque-là au stade d’étude. « Dans cette recherche, nous nous sommes attachés à être le moins discriminants possible, à embrasser un large éventail de possibilités. D’où des choix parfois assez exotiques, comme l’huile essentielle de clou de girofle connue pour son action, entre autres, antifongique, mais vite abandonnée en raison de son coût trop élevé », souligne Michael Lecourt. Dans ce premier inventaire, figuraient également les champignons antagonistes albinos – en occupant la place du « champignon du bleu », ils empêchent son développement –, ou encore des produits à base de lignine (un dérivé du bois de l’industrie papetière). 

Tests d’efficacité à l’appui, un premier tri a été effectué, isolant les solutions les plus pertinentes. Plusieurs séries d’essais ont encore permis d’affiner les résultats et d’identifier les produits offrant les meilleures performances : par exemple, l’acide acétique (vinaigre), l’acide propionique (conservateur dans l’alimentation), ou encore le sodium dodécylsulfate (SDS, détergent). 

Dégager une solution universelle 

Les tests ont été menés sur les essences les plus exploitées par la filière emballage, à savoir, l’épicéa et/ou le sapin, le pin sylvestre, le pin maritime, le peuplier ou encore le hêtre – à noter l’utilisation plus confidentielle de ce dernier sur le marché de l’emballage. Et cela dans plusieurs conditions expérimentales d’exposition, « ce qui nous a permis d’isoler le traitement qui sortait du lot, celui qui apportait une réponse satisfaisante sur l’ensemble des essences concernées. L’objectif étant, bien sûr, d’arriver à une solution unique », souligne Michael Lecourt. 

La phase conduite en 2019-2020 a permis de préciser ou de définir certaines bases, notamment le choix de la formulation la plus adéquate – la solution liquide a été préférée à celle en poudre, car moins volatile, absence de problème de solubilisation, de normes Atex par rapport au stockage… –, les conditions d’efficacité et les limites – c’est-à-dire à partir de quand la performance n’est plus au rendez-vous –, la concentration minimale pour garantir ladite efficacité et la quantité maximale pour que ces produits soient financièrement compétitifs. « Un élément à ne pas négliger. Ces investigations exigent aussi de rester rationnels pour trouver un équilibre entre efficacité du traitement et coût financier. » Cette recherche a été menée en étroite collaboration avec les industriels de la palette, lesquels ont fourni le bois et ouvert des usines pour pratiquer des tests dans des conditions réelles. De quoi s’assurer, par exemple, de l’absence de lessivage (le produit appliqué part avec l’eau de pluie). 

Au final, un seul produit répondait à tous les critères fixés avec nos partenaires. Il s’agit du sodium laureth sulfate (SLES) 4 . « Il a été testé selon les mêmes normes que les produits commerciaux. S’il n’est pas universel – le hêtre est problématique –, c’est lui, néanmoins, qui offre le spectre d’efficacité le plus large sur les essences à une concentration de 5 % », détaille Michael Lecourt. Et de préciser que le SLES est biosourcé, car produit à partir d’huile de palme. 

Dernier ajustement en termes de mise en oeuvre : « C’est un tensio-actif, donc il mousse. Des solutions pour contourner ce verrou existent et sont assez simples. » 

En revanche, reste un « énorme frein législatif à lever ». En effet, tout produit entrant dans la réglementation biocide doit faire l’objet d’une déclaration européenne pour sa mise sur le marché. « Même si le SLES est déjà identifié puisqu’utilisé comme détergent ou dans le shampooing, le dentifrice, il change d’usage ici et est donc soumis à une nouvelle autorisation pour cette application précise. » Encore un peu de patience… 

1 Institut technologique Forêt Cellulose Bois-construction Ameublement.
2 Association française de normalisation.
3 Commission Palettes FNB/Sypal (Syndicat national des palettes en bois).
4 Composé de sel, d’acide gras (lauryl) et de souffre.

L’entrepôt Decathlon de Dourges, dans le Pas-de-Calais (62). Photo : Sypal
Warehouse with variety of timber for construction and repair. Delivery concept. 3d illustration

Le champignon du bleu
Ces champignons, que l’on appelle le champignon du bleu, appartiennent, pour la plupart, à la classe des Ascomycètes (famille des Sphaeriacées) : le genre Ceratocystis (Ceratostomella), qui comporte de nombreuses espèces, est le plus connu. Trois souches de bleu sont préparées en mélange pour évaluer les performances : Aureobasidium pullulans, Sclerophoma pityophila et Ceratocystis pilifera.

Bibliographie
• Fascicule de documentation Afnor H50-017 – Palettes – Guide de bonnes pratiques – Mesure de la teneur en humidité des palettes bois.
• État de l’art des techniques de prévention des désordres esthétiques sur les emballages bois – mars 2016/mars 2017.
• Note d’information technique : bleuissement et moisissures sur les p alettes et emballages en bois, FCBA-Sypal en 2016. 

Pour en savoir plus :
fcba.fr
• fibois-aura.org
• Twitter :@LeSypal
fnbois.com

PROGRAMME
Réf. FBF : 17PT681
Budget FBF : 37 k€

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