Conçu à l’image d’un arbre et proposant une expérience immersive et sensorielle au plus près du matériau bois, le bâtiment érigé à Maisons-Alfort, dans le Val-de-Marne, est à plusieurs titres emblématique pour l’Office national des forêts (ONF) qui y a pris ses quartiers. Les nouveaux locaux sont le fruit d’un marché public global de performance remporté par City Construction avec VLAU et Atelier WOA comme agences d’architecture.
L’Office national des forêts résidait depuis 30 ans à deux pas de la place de la Nation dans le bâtiment communément surnommé la « tour ONF » avenue Saint-Mandé. La typologie de cette tour, son noyau central en béton armé, contraignait fortement les méthodes de travail de l’institution. À l’étroit, l’office s’était ensuite étendu dans un immeuble à Montreuil créant là encore des contraintes de fonctionnement, obligeant à se déplacer constamment entre les deux sites. Malgré la mise en place du télétravail en 2017, se posa la question de réunir tous les agents dans une unique maison. Le terrain repéré est situé en lisière du parc de l’École nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA), le long de l’avenue du Général-Leclerc. L’école, coupée de la ville par son mur d’enceinte, cherchait, en effet, à valoriser une partie de son foncier et à ouvrir son parc au public. Elle proposa donc à l’ONF un bail de 70 ans.
À terme, le bâtiment de 7 600 m2 doit accueillir 365 personnes : l’ensemble des services de la direction générale de l’ONF ainsi que ses filiales Énergie, Logistique et Végétis. Moderne et fonctionnel, il intègre des espaces adaptés aux nouveaux usages et modes de fonctionnement : travail collaboratif, réunions à distance, dématérialisation… « Cette démarche va conduire à une meilleure qualité de vie au travail et à une efficacité accrue des co-équipiers », déclare l’ONF.
L’anti-tour
Les architectes, VLAU et Atelier WOA, ont décidé de prendre le contrepoint spatial et technique de la tour du quartier de la Nation, en béton et très cloisonnée, en optant pour une construction en bois et très ouverte. La physionomie en « pointe de flèche » de la parcelle et sa localisation donnent au futur siège une façade sur ville et une façade sur parc. Cette dichotomie va permettre d’instaurer un dialogue à l’intérieur de la parcelle entre les deux ailes de la construction. Côté rue, le bâtiment très monolithique s’aligne sur le mur d’enceinte existant selon un rythme très ordonné. Il se prolonge jusqu’à l’accès piéton du futur parc pour, ensuite, se retourner, longer celui-ci et se transformer en une succession de terrasses. Cette partie, dénommée la « maison ONF, » reçoit les espaces collectifs et collaboratifs. Non prévus initialement dans le programme, ils ont été proposés par l’équipe de maîtrise d’œuvre pour soutenir le développement d’un mode de fonctionnement et des logiques de travail plus évolutifs et plus actuels. En parallèle, cette dichotomie nourrit aussi les logiques constructives, le traditionnel poteau-poutre devenant une structure plus contemporaine et inspirée de la charpente métallique en croix de Saint-André. À l’angle, un jeu d’encorbellement qui accueille des salles de réunion marque à la fois l’entrée du siège, lui offrant un visage, et l’entrée du futur parc, valorisant cette dernière en l’élargissant. Elle en devient plus visible pour la ville. Partant de cette entrée, une rue intérieure innerve le bâtiment et pointe vers le cœur d’îlot. S’inspirant du chemin forestier, elle est ouverte sur trois niveaux, du rez-de-chaussée au R + 2. Les poteaux placés aléatoirement comme des troncs et les poutres-treillis évoquant des branches s’élancent vers le plafond, lequel symbolise une ramure par une multitude de tavaillons suspendus, taillés dans les différentes essences disponibles dans les forêts françaises. À la différence de la tour parisienne, cette rue aiguille les agents, les oriente et favorise les rencontres dans une large circulation. Les bureaux sur rue sont traditionnels et basés sur une trame de 135 cm, tandis que la « maison ONF » offre un volume unique composé d’un jeu de restanques qui partent de la toiture pour descendre vers le jardin. Elles sont abritées sous une toiture en éventail. Cet open space offre une multitude de cheminements qui rejoignent la rue intérieure, véritable boussole pour les usagers. Côté façade, le bois disparaît derrière un bardage métallique qui protège la structure. La réalisation est très marquée par la trame de 135 cm, excepté sa pointe. Les importantes surfaces vitrées y donnent à voir le bois très présent en intérieur.
Le défi du bois français
L’utilisation du bois faisait bien sûr partie des demandes initiales de l’ONF, qui y a ajouté la nécessité qu’il soit issu des forêts françaises gérées par l’établissement public et représente la diversité de leurs essences. Ainsi, sur proposition des architectes et justification (disponibilité, facilité de transformation, résistance mécanique, aspect…) du choix de mise en œuvre de chaque essence selon ses propriétés et sa destination, le matériau de prédilection du maître d’ouvrage y est mis en œuvre tant en structure qu’en aménagement et mobilier : structure en épicéa et pin principalement ; menuiseries intérieures en hêtre ; menuiseries extérieures chêne/aluminium ; parquets et escaliers en chêne…
Il a donc fallu, très en amont, connaître les besoins en bois en vue de sa transformation en éléments de structure particulièrement. Les grumes ont été livrées un an avant le démarrage du chantier pour être transformées notamment en poutres BL-C chez Mathis et en panneaux CLT chez Piveteaubois. La banque d’accueil du siège, elle, a été fabriquée en robinier.
Structure dichotomique
Le bâtiment repose sur des fondations en béton armé qui comprennent des dalles doubles avec coupure élastique. Celles-ci permettent d’éviter la transmission des vibrations de la ligne 8 du métro sur les bureaux. La charpente bois est décomposée en deux zones aux problématiques structurelles différentes.
La zone A correspond à la partie dite traditionnelle située le long de l’avenue du Général-Leclerc. Elle est constituée d’une structure à poteau-poutre en BL-C avec des planchers nervurés.
Ceux-ci comprennent un panneau de CLT de 140 mm et des nervures en solives BL-C 200 x 270 et sont basés sur une trame classique de bureau de 1,35 m. Ces planchers nervurés prennent appui sur les files de structure intermédiaires composées de poutres IFB3 et de poteaux BL-C 305/320 ou sur le noyau béton. Ils portent sur 6,10 m.
La zone B comprend la « maison ONF ». Les planchers, également nervurés, sont répartis sur trois travées de 5,4 m de portée qui reposent sur des files intermédiaires en poutres métalliques. Le volume de la rue intérieure est délimité par des poteaux BL-C 320/305 qui filent jusqu’en toiture. Celle-ci est constituée de fermes de charpente en treillis réalisées à l’aide de sections en BL-C. Portant sur près de 28 m, elles sont disposées en éventail autour d’un poteau central en BL-C de 600/580 de section et rayonnent jusqu’à la façade jardin. Les porte-à-faux successifs à l’entrée du bâtiment sont, eux, assurés par une structure treillis très inspirée du vocabulaire de la charpente métallique. Les barres qui constituent les poteaux, les diagonales et les membrures du treillis sont en BL-C 280/305 d’épicéa. Les fixations entre ces éléments sont assurées par de larges ferrures en âme et des broches 16/230.
Dans les coulisses du chantier
Une approche modulaire a été favorisée sur ce chantier hors norme, au vu des volumes de bois à mettre en œuvre et au regard de l’espace disponible sur place. Ainsi, l’ensemble des éléments de charpente bois a été réalisé dans les ateliers de l’entreprise Mathis à Muttersholtz, dans le Bas-Rhin, avant d’être convoyé par semi-remorque sur le site de Maisons-Alfort. Les éléments de très grands formats, comme les poutres-treillis, ont ensuite été assemblés au sol avant d’être grutés pour leur installation, les compagnons travaillant depuis des nacelles. Le métal a été préféré pour certaines pièces très techniques et très sollicitées, notamment afin de limiter les sections et les encombrements de la structure. Pour les planchers nervurés, c’est le procédé bois PNM de Mathis qui a été choisi. Il permet de franchir des portées importantes pouvant atteindre jusqu’à 12 m, et apporte, de plus, une grande raideur pour une faible retombée de poutre.
Un bâtiment écoresponsable
Conçu selon un principe bioclimatique, le nouveau siège de l’ONF est également exemplaire sur le plan de la performance énergétique et environnementale. « Une partie de l’électricité nécessaire au fonctionnement du bâtiment sera fournie par les 600 m2 de panneaux photovoltaïques installés sur les toits et terrasses, précise l’ONF. Cette production d’énergie, autoconsommée, permettra de couvrir la totalité des besoins en électricité des éclairages et des ascenseurs. Sans système de climatisation actif, à production d’énergie et à faible empreinte carbone, le siège de l’ONF vise l’obtention du label E+C-, pour Énergie positive et Réduction carbone, avec un niveau E3/C2, et le niveau Excellence du label bâtiment bas carbone BBCA. »
Intervenants
Maîtrise d’ouvrage : Office national des forêts (ONF)
Mandataire de l’équipe : City Construction (ex-City GC-Hervé)
Maîtrise d’œuvre : Vincent Lavergne Architecture et Urbanisme – VLAU (75) ; Atelier WOA (75)
BET structure : Elioth/Egis Concept (93)
BET fluides et thermique : Egis (93)
BET acoustique : Acoustb (93)
Charpentier bois et métal : Mathis (67)
Maintenance : Réolian (75)
Programme
Coût travaux : 24,5 M€ HT
Surface de planchers : 7 650 m2
Calendrier
Livraison : mi-2022
Durée du chantier : 18 mois
Structure en chiffres
• 2 170 m3 de bois dont 84 % issus de forêts gérées par l’ONF
• 3 450 m2 de planchers nervurés PNM Mathis (961 m3)
• 732 m3 de structure en bois lamellé-collé
• 82 m3 de bois massif
• 970 m2 de murs à ossature bois
• 25 t de connecteurs métalliques
• 87 t de charpente métallique