Si la forêt joue un rôle crucial dans l’atténuation du réchauffement climatique par la séquestration du carbone, elle fournit aussi de multiples services à la fois économiques, environnementaux et sociaux. La filière forêt-bois s’emploie à valoriser ces services écosystémiques forestiers. Entretien avec Louise Landais, cheffe de projet carbone et biodiversité pour Fransylva.
Quel est l’objectif du programme Valorisation des services écosystémiques forestiers (ValoSE), soutenu par France Bois Forêt ?
Face aux impacts croissants du changement climatique, la forêt française doit engager un vaste plan d’adaptation et de renouvellement. Dans ce contexte, la valorisation des services écosystémiques – ou environnementaux – forestiers (carbone, biodiversité, eau, paysages, accueil du public…) constitue un levier pour diversifier les financements et reconnaître la multifonctionnalité des forêts. Le programme soutenu par France Bois Forêt fournit aux forestiers des outils scientifiques et opérationnels pour évaluer, quantifier et valoriser ces services. Il repose sur des expérimentations pour définir des paiements pour services écosystémiques (PSE) applicables aux forêts privées, explorant leur faisabilité technique, méthodologique, juridique, fiscale et économique.
Que sont ces services et comment les valoriser ?
Les services écosystémiques sont les bénéfices que la société tire des écosystèmes en termes d’approvisionnement, de régulation, de biodiversité et de loisirs. Une mesure directe et une évaluation économique permettent de les valoriser. Le Label Bas Carbone, par exemple, certifie le carbone séquestré, garantissant additionnalité, permanence et traçabilité des crédits. Cette approche apporte une valeur économique tangible au stockage carbone, offrant aux acheteurs la possibilité d’investir en toute sécurité.
Quels sont les bénéfices et les risques mis en lumière par le programme ?
Le bénéfice le plus direct pour les propriétaires forestiers est l’accès à des revenus supplémentaires. Ces derniers peuvent provenir de la vente de crédits carbone ou biodiversité, mais aussi de la valorisation des bois certifiés PEFC et FSC. Des aides et subventions peuvent d’ailleurs aider au renouvellement forestier et à la mise en place d’une gestion durable pour obtenir ces certifications. L’inconvénient, lui, consisterait en des démarches administratives parfois complexes et la non-permanence des bénéfices attendus.
Le paiement pour services écosystémiques rendus influe-t-il sur la gestion forestière ?
Oui car en introduisant une logique de rémunération des fonctions environnementales en complément de la production de bois, cela incite davantage encore les propriétaires à adopter des pratiques de gestion multifonctionnelle. Ces mécanismes confortent aussi la planification à long terme, plus résiliente face au changement climatique.
Les services écosystémiques vont-ils évoluer avec les effets du changement climatique ?
Le changement climatique perturbe la croissance, la santé des arbres et la répartition des essences. Il entraîne également une modification du cycle de l’eau et une recomposition de la biodiversité. Pour maintenir leurs fonctions écologiques, il est nécessaire d’adapter les forêts avec des essences plus résistantes et une diversification des peuplements. Ces évolutions rendent nécessaire un système d’évaluation dynamique des services écosystémiques.
La valorisation de services écosystémiques et l’optimisation du puits de carbone sont donc bien conciliables pour un même massif…
Tout à fait. Le Label Bas Carbone, pour reprendre cet exemple, rémunère ainsi des projets forestiers qui combinent séquestration de carbone et génération de co-bénéfices, tels que la préservation de la biodiversité, la gestion de l’eau, la lutte contre l’érosion ou l’adaptation au réchauffement climatique. En adoptant une approche holistique, ces projets garantissent que les actions menées ne favorisent pas un service au détriment des autres et renforcent la capacité d’adaptation des écosystèmes.
Quelles sont les suites du programme « Valorisation des services écosystémiques forestiers » ?
Le programme « Valorisation des services écosystémiques forestiers » a établi un socle méthodologique solide pour reconnaître et valoriser les services rendus par les forêts françaises. La suite s’inscrit dans la continuité de ces travaux, depuis cette année et en 2026, à travers le programme intitulé « Valorisation et certification des services écosystémiques forestiers » (VCSF).
Cette nouvelle phase vise à développer des cadres de certification cohérents pour les crédits biodiversité et PSE forestiers, à mettre en œuvre des projets pilote pour assurer cette cohérence, à renforcer la représentativité de la filière dans les marchés environnementaux, à étudier la faisabilité d’une chaire académique pour structurer recherche et formation sur les PSE, enfin, à diffuser les résultats via un bulletin de veille.
En résumé, cette trajectoire vise à passer d’une phase analytique (ValoSE) à une phase de mise en œuvre (VCSF), en préparant l’intégration concrète des PSE aux outils de marché. L’ambition à terme est de faire émerger un cadre de valorisation robuste, au service des propriétaires, des gestionnaires, des financeurs et des politiques publiques.
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