Le réseau mixte technologique d’adaptation des forêts au changement climatique (RMT Aforce) poursuit sa mission de transfert de connaissances et de collecte de données destinées aux professionnels de la filière forêt-bois à travers de nombreux projets. Au programme : choix des essences, gestion des peuplements, maîtrise des risques, coopération européenne… Avec le soutien financier de France Bois Forêt. Tour d’horizon.
Le message est clair. « L’industrie devra s’adapter à moyen terme à une nouvelle ressource forestière et à la manière d’utiliser les nouveaux produits », explique Olivier Picard, directeur Recherche Développement et Relations européennes du Centre national de la propriété forestière (CNPF) et coordinateur du réseau mixte technologique Aforce. Ce réseau compte seize partenaires1 : organismes de recherche, instituts techniques, gestionnaires forestiers publics (Office national des forêts) et privés (experts et coopératives), ainsi que les organismes de formation, essentiels pour Olivier Picard, qui développe : « Le parcours de formation des futurs techniciens ou ingénieurs est essentiel pour apporter toutes les connaissances actualisées en matière de changement climatique. Car c’est avec cela qu’ils devront travailler dans le futur. » Soutenu par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (MAA) et France Bois Forêt, le RMT Aforce s’attache à fournir aux professionnels de la filière forêt-bois le résultat de ses travaux sur les forêts et le changement climatique.
« L’essentiel de nos projets concerne les espèces pour le futur. À l’automne 2020, nous sortirons le site Web “Climessences”. C’est l’aboutissement d’une succession de projets et de contributions menés depuis dix ans sur l’aide à la décision en termes de choix des espèces. » L’implication de l’ONF2 et du CNPF pour le développement de l’outil est forte. Membres du RMT, ils sont appuyés par l’Inrae3 et l’IEFC4. Ce site comprendra deux modules. Le premier est une base de données d’environ 140 espèces d’arbres, qui regroupera toute la documentation utile sur les exigences écologiques, climatiques, sylvicoles, pédologiques5 des espèces, telles qu’on les connaît aujourd’hui. « Lesdites espèces sont présentes sur notre territoire, dans le bassin méditerranéen ou les pays plus au sud. Leur recensement est capital, en raison de la montée progressive du climat méditerranéen sur la France ou, tout du moins, de climats plus secs et plus chauds en période estivale. »
Le second module offrira des simulations de l’évolution des aires de répartition des espèces. « Il est important d’anticiper leur évolution en 2050 ou 2100 – par exemple, celles du chêne pédonculé, du sapin ou du hêtre –, en fonction des scénarios climatiques dont nous disposons aujourd’hui », détaille Olivier Picard. Par scénarios, entendre ceux établis par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). « Ce sont des probabilités, à l’échelle de régions forestières, sur le maintien, le développement ou le dépérissement de telles ou telles espèces qui ne supporteront pas les conditions climatiques futures. Ce sont des tendances avec lesquelles il va falloir apprendre à travailler, même entachées d’une incertitude non réductible. » Un outil plutôt dédié aux gestionnaires et décideurs en charge de l’aménagement du territoire, des orientations forestières et de la production.
Vers une plate-forme globale
Étroitement lié à ce travail, le projet Trec (Transfert raisonné en espèces introduites) est en passe d’être achevé. Sa finalité est de donner des indications destinées aux pépiniéristes pour la production de plants issus d’espèces mal connues. Reste la mise en forme des résultats et leur mise à disposition via une plate-forme. Programme conduit essentiellement par l’ONF avec un financement du RMT, « il s’agit d’observer dans d’autres pays européens ou du bassin méditerranéen, voire sur d’autres continents (en Chine, NDLR), les différentes façons de produire les plants, les conditions requises pour faire germer des graines, etc. », détaille Olivier Picard, et de déterminer des voies d’approvisionnement fiables. De quoi tirer les enseignements pour produire nos propres plants en vue d’un boisement ou d’une expérimentation – par exemple, sur le sapin méditerranéen, le cèdre, ou encore le chêne de Hongrie (Quercus frainetto) que l’on rencontre également en Bulgarie, en Roumanie et en Grèce. « Ce sont souvent des variétés, des écotypes6 proches des nôtres. L’idée est d’étudier le comportement de ces espèces : comment vont-elles pousser dans nos sols ? Quelle sera leur qualité de bois d’œuvre ? etc. » Il faut élargir la palette des solutions.
Arboretum et gestion de crises
Troisième projet, Esperense, financé par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (MAA), consiste en la mise en place d’un réseau collectif d’expérimentation de nouvelles espèces. Esperense prendra fin mi-2021, mais le travail se poursuivra avec les partenaires bien au-delà ! Il vise la création de dispositifs de comparaison d’espèces et de provenances pour étudier leur survie et leur développement, ainsi que de tests en gestion courante appelés « îlots d’avenir », pour suivre leur comportement grandeur nature. « C’est un travail collaboratif d’installation avec des protocoles qui seront identiques dans toute la France, de façon à comparer les résultats et à acquérir des données précieuses pour le futur », détaille Olivier Picard. Protocoles présentés sous forme de plates-formes.
D’autres projets sont sur la table. Citons le Guide de gestion des crises sanitaires des forêts qui devrait paraître en septembre ou octobre. Il s’agit d’une actualisation, en format papier et dématérialisée, de la première édition datant de 2010. « Elle englobera les nouvelles crises, telles que celles des scolytes, de la chalarose du frêne, ou encore du nématode du pin. » Sa finalité est d’apporter aux parties prenantes d’une gestion de crise les outils pour les différentes phases de gestion : à quel moment déclarer, quelle organisation des professionnels entre eux pour gérer sans aggraver ? Le point sur ce qui a fonctionné ou pas… Principaux partenaires : le département Santé des forêts du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, l’ONF, le CNPF et l’Inrae.
Biodiversité, vigilance climatique et coopération européenne
D’autres sujets émergent, notamment sur la biodiversité. Un programme est mené par le GIP Ecofor7, partenaire du réseau. « Le point de départ de ce projet est de mettre en évidence le rôle de la biodiversité dans l’adaptation et la résilience des forêts », explique Olivier Picard.
En cours également, deux autres travaux importants prévus pour la fin d’année.
Le premier, à l’intention des gestionnaires de forêts, se présentera sous forme de dix fiches techniques concrètes et opérationnelles (en version papier, puis téléchargeables) traitant des thématiques aussi variées que la résilience des forêts, la gestion du déficit hydrique des peuplements… Le second consistera en un comparatif des outils de diagnostic et de vigilance climatique à l’échelle de la parcelle. Des outils développés par les différents organismes : BioClimSol par le CNPF, Biljou par l’Inrae…
Dernier volet, et non des moindres, la coopération européenne. Le RMT Aforce s’est positionné sur des partenariats européens pour l’innovation (PEI). Ces projets cherchent à favoriser l’innovation et à utiliser les résultats des recherches pour que le secteur économique puisse s’en emparer. À titre d’exemple, ces deux programmes : le premier concernant la sylviculture de précision sur le pin maritime en Nouvelle-Aquitaine et le dépérissement du châtaignier dans le Périgord ; l’autre, en Bourgogne, à propos de l’impact des sécheresses sur le sapin Douglas.
Enfin, tous les résultats des projets de R&D, les outils du RMT Aforce sont disponibles sur le site Web https://www.reseau-aforce.fr.
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1 Partenaires et structures associées sur reseau-aforce.fr.
2 Office national des forêts.
3 Institut national de recherche
pour l’agriculture, l’alimentation
et l’environnement.
4 Institut européen de la forêt cultivée (iefc.net).
5 Pédologie : partie de la géologie qui étudie les caractères chimiques
et physiques des sols.
6 Variété d’une espèce (en général végétale) génétiquement adaptée
à un milieu particulier qu’elle occupe naturellement, mais conservant ses adaptations héréditaires lorsqu’elle se développe dans un milieu différent.
7 Groupement d’intérêt public sur les écosystèmes forestiers.
Pour en savoir plus :
• reseau-aforce.fr
• onf.fr
• cnpf.fr
• inrae.fr
• gip-ecofor.org
• agroparistech.fr
PROGRAMME
Réf. FBF : 19RD987
Budget FBF : 90 k€