Les programmes de recherche Luthyl et Hylobe NA, soutenus par France Bois Forêt et sa section spécialisée pin maritime, donnent de nouvelles armes aux forestiers pour protéger les reboisements résineux des attaques de l’hylobe.


L’hylobe (Hylobius abietis), en attaquant l’écorce des jeunes résineux dans les plantations âgées d’1 à 3 ans, interrompt la circulation de leur sève et provoque leur mort. Ce qui fait de ce charançon le premier ravageur de reboisements résineux en France et en Europe. En 2022, 15 % des plantations de conifères suivies par le Département de la santé des forêts (DSF) avaient subi des attaques du coléoptère. Ses préférences alimentaires, testées en laboratoire, vont au douglas, à l’épicéa et au pin sylvestre.
Objectifs spécifiques du programme Luthyl
Contre les dégâts de l’hylobe dans les jeunes plantations de résineux, le projet Luthyl vise à évaluer et diffuser des méthodes opérationnelles de lutte. S’il rejoint en cela différents autres programmes visant à réduire ces dommages, ce projet a aussi des objectifs spécifiques : concevoir un système de signalement des dégâts assuré par les professionnels, proposer une intervention sylvicole pour limiter l’intensité des dégâts.
Le préalable indispensable pour freiner l’essor du ravageur est de connaître les conditions les plus favorables à son développement, ce qui constitue une autre spécificité du programme Luthyl, lequel prévoit, par ailleurs, l’animation d’un groupe de travail réunissant organismes de R&D et praticiens ainsi que le transfert aux professionnels des connaissances acquises.
Premiers résultats
En 2023, après trois années de recherche, scientifiques et professionnels ont identifié des méthodes réduisant l’intensité des attaques d’hylobes. « Nous avons testé plusieurs types d’actions : la jachère d’un à deux ans, un fort décapage des sols autour des jeunes plants et la suppression des souches sur certains terrains », indique Catherine Collet, responsable du pôle de recherche appliquée Renouvellement des peuplements forestiers (Renfor) à l’Inrae. « En les combinant, on parvient à réduire les dégâts sur les jeunes plants, tout en réduisant le temps de jachère », poursuit la scientifique. Ces résultats ont été confirmés dans d’autres pays de l’Union européenne. Autre idée : utiliser des molécules répulsives. « Le bouleau diffuse de grandes quantités de salicylate de méthyle, répulsif naturel de l’hylobe. En combinant des plantations de douglas et de bouleaux, on réduit, là encore, la pression des insectes, mais cet effet est néanmoins de faible amplitude », souligne la chercheuse.
Les scientifiques cherchaient à savoir également si les conditions climatiques influaient sur le développement de l’insecte et ce n’est pas le cas selon les conclusions actuelles. Luthyl a abouti à deux observations principales : les attaques d’automne sont plus intenses que celles du printemps.
Et leur intensité semble plus importante l’année de la plantation que l’année suivante. « Pour autant, précise Catherine Collet, on ne peut pas faire de ces observations un outil prédictif. »


Développement d’outils de signalement et mise en synergie
Le projet Luthyl a été l’occasion de rendre pleinement opérationnelle l’application Silvalert. Créée par l’Institut européen de la forêt cultivée (IEFC) pour signaler aux usagers d’un même territoire les dégâts observés en forêt, elle permet désormais de saisir sur son smartphone des rapports dédiés à l’hylobe. Pour sa part, l’application MobiGip, conçue par le Groupement d’intérêt public Aménagement du territoire et Gestion des risques (GIP Atgeri) pour faciliter la remontée d’informations cartographiques de terrain pour les associations de DFCI (Défense des forêts contre les incendies) du Sud-Ouest a vu ses fonctionnalités étendues aux dégâts causés par l’hylobe. De plus, l’IEFC travaille avec le GIP Atgeri pour rendre interopérable les deux outils. Une campagne de communication, ciblant les intervenants sur les massifs touchés par l’insecte, a été initiée pour développer l’usage de Silvalert par les professionnels.
Projet complémentaire au programme Luthyl
Hylobe NA visait la mise au point de méthodes de piégeage de l’hylobe pour déterminer les périodes de fréquentation défavorables aux plantations. Également soutenu par France Bois Forêt à travers sa section spécialisée pin maritime, ce programme a abouti au développement d’une méthode standardisée déployable dans les zones à risque. Les chercheurs ont choisi des pièges Pitfall équipés de diffuseurs de molécules attirant les insectes. Efficaces dans un rayon de 10 m, ils capturent le quart des hylobes passant dans cette zone. Cette méthode est opérationnelle pour un suivi de terrain à condition qu’il soit possible de relever le contenu des pièges toutes les deux à trois semaines. Mais elle ne serait pas efficace pour du piégeage de masse, car elle exigerait une trop grande quantité de pièges : environ 25 par hectare. En revanche, cette technique de piégeage peut être utilisée à des fins de surveillance de l’insecte pour déterminer ses périodes de recherche de nourriture et donc de risque pour les plantations.
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