Le chantier de restauration de Notre-Dame mobilise l’ensemble de la filière forêt-bois : non seulement les propriétaires forestiers bien sûr, mais aussi tous les intervenants avec les forestiers, les bûcherons, les débardeurs, les élagueurs-éhouppeurs, puis les transporteurs et les scieurs. L’ensemble de ces professionnels a permis de mettre à disposition des charpentiers le bois nécessaire à leur ouvrage.
Un travail préparatoire essentiel
La reconstruction de la flèche de Viollet-le-Duc reproduit la mise en œuvre originelle du 19e siècle. Ainsi, les bois ont d’abord ressuyé pendant plus d’un an, avant d’être transformés dans une quarantaine de scieries. À l’inverse, la charpente de la nef de la cathédrale, chef-d’œuvre du 13e siècle, sera, elle, restituée à partir de bois verts. Grâce à la modélisation en 3D des grumes collectées et de chacune des pièces constituant la flèche, le travail des scieurs a été particulièrement efficient : la technologie a permis de déterminer dans quel arbre il serait possible de faire telle ou telle pièce. Afin d’accueillir certaines grumes aux dimensions exceptionnelles, les scieries ont parfois dû s’adapter. Pour chaque poutre, il faut compter un à deux jours de travail à la scierie.
« La charpente médiévale d’origine était intéressante, mais la partie de Viollet-le-Duc, sur le plan technologique, était encore plus passionnante à reconstruire. Je savais très bien que l’on était capable de le faire, il fallait nous réunir, faire filière pour l’ensemble de la profession et l’ensemble de la construction. »
Pierre Piveteau, président du conseil de surveillance de l’entreprise Piveteau Bois Tweet
Générosité des scieries volontaires
45 scieries de toute la France se sont portées volontaires pour participer à l’effort de reconstruction de la cathédrale et débiter les 1 260 grumes nécessaires à la reconstruction de sa flèche. L’engouement pour cette opération exceptionnelle a touché tous les maillons de la chaîne. Laurent Denormandie, président de Sylvabois et coordinateur des scieries volontaires, explique : « Il y a une véritable fierté collective de participer à ce chantier. Pour la filière forêt-bois, l’opération de restauration a commencé très vite après l’incendie : d’abord, grâce aux propriétaires forestiers qui ont donné les chênes, puis, rapidement, grâce aux scieries qui se sont engagées à débiter les poutres. » Les chênes abattus en forêts ont été répartis selon leur provenance, leur longueur, leur grosseur, puis transportés pour être transformés. La scierie Dupriez-Lepinette, dans l’Oise, est une de ces scieries volontaires ; son responsable, Henri Dupriez, témoigne : « Le projet de reconstruction de la flèche va dans le sens de notre métier, parce que l’on aime le bois. Il était important pour nous de participer. » La réalisation des différentes pièces, des plus grandes comme des plus petites, a aussi été financée par des dons d’argent de scieurs spécialisés dans les résineux, ne pouvant pas prêter main-forte directement à l’opération.
« Être mécène, pour nous, c’était d’abord une évidence. Nous n’aurions pas pu imaginer ne pas participer à cette initiative. Comme nous ne travaillons pas sur le chêne, mais sur le résineux, nous avons décidé de participer financièrement à la restauration de Notre-Dame. »
Marc Siat, directeur général du groupe Siat, mécène Tweet
Qualité du bois révélée
Le bois est d’abord écorcé, puis le sciage peut commencer : par étapes, petit à petit, par tranches pour révéler progressivement la qualité des chênes. Claire Quinones, responsable commerciale bois ONF Centre-Ouest-Aquitaine, présente lors du sciage, observe : « Le chêne est absolument parfait. Il n’y a aucune singularité, pas de nœud, et, surtout, il présente un fil parfaitement droit. » En effet, si le fil tournait, il y aurait un risque que la poutre se déforme. Ici, les chênes exceptionnels récoltés pour Notre-Dame pourront affronter le temps. Les cernes sont parfaitement réguliers, rendant compte de l’accroissement constant de l’arbre, caractéristique de la futaie régulière à la française. « Ces pièces vont durer des siècles dans la charpente, il y a une fierté du travail accompli ! », ajoute-t-elle. Grâce à la générosité des scieries partenaires et mécènes, les charpentiers ont commencé la mise en œuvre de la flèche en atelier début 2023.
« Cela fait longtemps que l’on n’a pas construit de flèche et de transept en France, or c’est une fidélité à l’histoire de la cathédrale. C’est un vrai défi professionnel. L’émotion n’est pas retombée, et tout le monde a à cœur de se mobiliser pour la restauration de Notre-Dame. »
Général d’armée Jean-Louis Georgelin, représentant spécial du président de la République, président de l’établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris Tweet
Les grumes issues de forêts sur tout le territoire ont été réparties dans 45 scieries mécènes et volontaires pour les transformer. En photo : Scierie Dupriez-Lepinette, Saint-Firmin (Oise), septembre 2022.