Trois questions à Rémi Fromont, architecte en chef des monuments historiques, en charge avec Pascal Prunet, auprès de Philippe Villeneuve, du chantier de restauration de la cathédrale.
Après le drame des 15 et 16 avril 2019, quelles étaient les possibilités de restauration ou de reconstruction ?
Nous avions trois options. La première : laisser la lacune, comme sur le site du World Trade Center à New York, pour commémorer la catastrophe, mais cela n’avait pas de sens pour nous. Ensuite, nous avions le choix de reconstruire autre chose : un toit sans flèche, ou avec une flèche dans le style contemporain. Mais comme la cathédrale appartient au paysage des rives de Seine, protégé au titre de patrimoine mondial de l’Unesco, nous avons pensé qu’il était important de lui rendre son rôle de signal urbain. Aussi le troisième choix a-t-il été la restitution à l’identique de Notre-Dame.
En quoi consiste cette restitution ?
Il s’agit de reconstruire, d’une part, les charpentes médiévales de la nef et du chœur, datant du début du 13e siècle, d’autre part, celles du transept et de la flèche conçues par Eugène Viollet-le-Duc au 19e siècle. Ces deux ensembles disposent d’une très forte valeur patrimoniale car ils étaient des marqueurs historiques : du début de la grande histoire des charpentes à l’apogée des grandes charpentes en bois. Les reconstruire signifie reproduire la structure, les assemblages et les détails de ces ouvrages extrêmement complexes, chacun à leur manière. De plus, ces deux charpentes ont traversé le temps, elles étaient bien connues grâce à une documentation abondante et ne présentaient aucun désordre. Nous avons donc un excellent retour d’expérience sur la conception et la mise en œuvre de ces structures, ce qui a également dirigé le parti architectural en faveur d’une restitution ambitieuse.
Dans quelle mesure une restauration à l’identique répond-elle à nos enjeux contemporains ?
Pour le matériau, il nous fallait des chênes d’une grande qualité, qui se trouvent actuellement dans des forêts conduites par des forestiers sur plusieurs générations. Grâce au soutien de l’Office national des forêts, des communes forestières et de nombreux propriétaires privés, nous avons eu accès à cette ressource. Au niveau des savoir-faire, nous avons la chance d’avoir toujours en France des professionnels qui maîtrisent le geste de la mise en œuvre : des charpentiers qui ont entretenu au fil des siècles une chaîne des savoirs. Ce qui veut dire que l’on maîtrise encore aujourd’hui les techniques conceptuelles et de réalisation de ces ouvrages. Ainsi, le chantier de restauration de la cathédrale se trouve à la croisée des enjeux de sauvegarde et de transmission du patrimoine autant matériel qu’immatériel.