Petite cité rurale de Haute-Vienne, Eymoutiers a su faire de ses accrues forestières le point de départ d’un projet bois-énergie exemplaire. Retour d’expérience.
Eymoutiers bénéficie de la marque Petites Cités de caractère1. Elle abrite 2 000 habitants au pied du plateau de Millevaches, en Limousin. Comme nombre de collectivités haut-viennoises, l’ancienne place forte dispose d’un important patrimoine forestier.
Un inventaire réalisé par l’Office national des forêts (ONF) et l’Union régionale des collectivités forestières de Nouvelle-Aquitaine (Urcofor) décrit l’état des lieux : plus de 300 ha de résineux et une surface égale
d’accrues forestières, anciennes terres agricoles reconquises par la forêt. Des parcelles disséminées sur des sols pauvres où végètent bouleaux, pins sylvestres, châtaigniers, chênes pédonculés… « Une forêt assez pauvre en essences nobles », estime Gérard Pons, ancien adjoint au maire, chargé de l’agriculture et de la forêt.
Du carburant local
Depuis la fin de la première décennie du siècle, les prix du pétrole sont au plus haut, accroissant le coût de l’énergie pour tous les consommateurs, collectivités locales comprises. « On voyait le montant des factures de fioul augmenter depuis deux ou trois ans, alors que l’on avait du carburant sous les yeux. On s’est dit qu’on pourrait l’utiliser », se souvient l’ancien maire, Daniel Perducat.
Et cela tombe bien ! En 2015, le Syndicat Énergies Haute-Vienne (SEHV) et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) viennent de conclure un accord portant sur la création du programme Vafcolim (pour valorisation des forêts des collectivités du Limousin). Il sera monté en partenariat avec l’Office national des forêts (ONF). Son objet est simple : aider les communes limousines, souvent rurales, à exploiter durablement leurs massifs.
Cinq ans de chauffage
Financé par le Fonds Chaleur, Vafcolim permet notamment à la commune d’Eymoutiers de bénéficier d’un accompagnement technique et d’aides financières pour l’amélioration de ses peuplements forestiers, la création d’un hangar de production de plaquettes, d’une chaufferie bois et d’un réseau de chaleur. Mais ne brûlons pas les étapes.
Décision est prise d’étudier la création d’un réseau de chaleur municipal alimenté par des plaquettes de bois local. L’inventaire forestier a désigné plusieurs parcelles représentant 18 ha de petits arbres tordus susceptibles de fournir une bonne part du combustible. « Cela représente 2 000 m3 de bois, soit l’équivalent de cinq ans de chauffage des bâtiments communaux », précise Cédric Bénesteau, chargé de mission Forêt à l’Urcofor. « L’essentiel du bois produit dans les forêts d’Eymoutiers était destiné à la trituration. On s’est dit qu’il était dommage que cela ne soit pas valorisé localement », complète Gérard Pons.
Revente d’énergie
Le Syndicat Énergies Haute-Vienne et un bureau d’études réalisent les études d’opportunité et de faisabilité. Les avis tech niques et économiques convergent : le projet bois-énergie est viable. L’ancienne ville close opte pour la construction d’un réseau de chaleur de 654 m de longueur (et franchissant la Vienne !), alimenté par une chaudière à plaquettes et un silo de 25 m3. Le dispositif est complété par une chaudière de secours au fioul. Cet ensemble dessert aujourd’hui huit équipements de tailles variables : la mairie, l’école primaire et la maternelle, le collège et son gymnase, le bâtiment dit des instituteurs. La commune revend aussi de la chaleur à l’établissement et services d’aide par le travail (Esat) et à l’ancien collège où ont été aménagés des logements privés, adaptés aux personnes âgées.
Construire l’économie de demain
En 2018, la commune a également construit une plateforme bois-énergie, gérée en régie. C’est dans cette installation que sont produites les plaquettes issues de la forêt communale. Circuit court, toujours : le hangar a été bâti en bois limousin, transformé et mis en œuvre par des entreprises locales. Finalement, ce programme d’énergie bois offre à Eymoutiers une certaine indépendance énergétique. Il lui permet aussi de réduire le budget énergie communal et d’éviter l’émission annuelle de 132 t de CO2. L’équivalent du bilan carbone annuel d’une quinzaine de personnes !
« Les communes ont tout intérêt à bien gérer leurs ressources forestières. Pour vendre du bois et gagner un peu d’argent. Mais c’est aussi une manière de faire travailler des artisans locaux, des bûcherons, des transporteurs et des restaurateurs qui nourrissent tous ces travailleurs. C’est toute une chaîne de travail local qui est valorisable pour les territoires. Valoriser ses forêts et les mettre en gestion, ça répond à des impératifs énergétiques, de captage de carbone, de construction bois et saine. Les communes forestières sont en train de construire l’économie de demain », conclut Cédric Bénesteau.
Le projet en chiffres
Puissance de la chaudière à bois : 250 kW
Puissance de la chaudière d’appoint (fioul) : 495 kW
Longueur du réseau de chaleur : 654 m
Production d’énergie de la chaudière bois : 597 MWh/an
Coût du projet : 674,7 k€ HT (réseau de chaleur compris)
Financements : 50 % Syndicat Énergies Haute-Vienne (SEHV) et Ademe (contrat territorial de développement des énergies renouvelables thermiques, 30 % Fonds de soutien à l’investissement local, 20 % commune