Déterminer la faisabilité de développer des variétés spécialisées de pin maritime, c’est l’objet de ce programme financé par la SSPM de France Bois Forêt. Le point avec Marion Mercadal, ingénieure à l’Institut technologique FCBA, en charge du projet.
Quelle est la genèse de ce projet ?
Actuellement, les vergers à graines homologués se composent d’une quarantaine de clones différents (cas VF3) pour obtenir un nombre suffisant de diversité génétique. Répartis sur le terrain, ces clones représentent les géniteurs, à la fois en tant que mère et que père, via une pollinisation libre. C’est ainsi que se crée la variété. La demande d’Alliance Forêts Bois, porteuse du projet, était de déterminer la possibilité de créer une variété spécialisée par croisement contrôlé biparental. Contrôlé car réalisé manuellement, et biparental car choix d’une mère et d’un père. Une technique qui diminue ainsi le nombre d’individus pour ne garder que les plus performants. Plus concrètement, la population d’amélioration est identifiée et sélectionnée en forêt ; les individus intéressants sont croisés en conservatoire pour créer la génération du « dessous ». Des descendants que nous testons ensuite sur terrain pour retenir ceux qui répondent aux critères attendus. Ce qui permet d’obtenir un classement de tous ces individus et de dégager un plan d’amélioration. Les mesures sur chaque individu, sur terrain, alimentent une base de données ; chaque arbre est qualifié de manière phénologique et se voit attribuer une valeur génétique, avec calcul de l’index de sélection sur les deux critères principaux que sont la vigueur et l’écart de forme. En haut de la liste donc, les individus les mieux notés ! Et ce sont ceux-là que l’on croisera à nouveau entre eux.
Sur le terrain, comment procédez-vous ?
La technique de croisements contrôlés biparentaux, à savoir telle mère croisée avec tel père, pose la question de la faisabilité.
Car elle impose un calendrier précis, à commencer par l’empochage des fleurs femelles fin mars pour les isoler et éviter toute pollution par du pollen extérieur. La pollinisation se déroule au mois d’avril, sur deux à trois semaines, quand les fleurs sont « réceptives ». Elle induit une succession d’étapes de travail : prélèvement des chatons, injection manuelle du pollen à l’aide d’une seringue, retrait des poches après plusieurs injections au mois de juin. Le tout ne pouvant s’effectuer qu’en accédant par nacelle à la cime des arbres.
Comment avez-vous optimisé cette méthode de croisement ?
Pour nos croisements, nous utilisons d’ordinaire des boyaux cellulosiques pour empocher les fleurs de pin maritime au-dessus du rameau. Nous testons actuellement d’autres systèmes de poches, notamment celles utilisées pour le programme d’amélioration sur le pin taeda aux États-Unis et commercialisées par la société PBS (Pollination Bag Specialists). Elles sont prévues pour la prochaine campagne de pollinisation de 2021. Ces poches en tissu permettent, à priori, d’augmenter la survie des cônes, donc la production de graines car elles laissent passer l’air tout en évitant les pollutions polliniques. En projet également : la mise à disposition d’un prototype d’injecteur de pollen réduisant la pollution pollinique, qui sera testé en 2022.
Aujourd’hui, où en est-on ?
C’est en cours, dans la mesure où il faut compter deux ans entre le moment où la fleur fera un cône et celui où nous pourrons récupérer les graines. Nous avons utilisé à la fois la méthodologie classique et celle avec les nouvelles poches. Ce qui permettra de comparer les éventuelles améliorations. Les premiers croisements ont été effectués en 2019, mais sans optimisation technique. En fait, l’étape d’optimisation des croisements contrôlés et leur réalisation proprement dite sont menées en parallèle, étant liées à la période de pollinisation.
Nous avons rencontré un problème de chute des graines et suspecté la présence de la punaise Leptoglossus occidentalis. La solution pour y remédier a été de laisser les poches en place jusqu’au mois de décembre, au lieu de les retirer en juin après pollinisation. Résultat : le rendement des cônes a été amélioré. Après comptage des fleurs en avril 2019 et des cônelets en janvier 2020, le taux de survie est passé de 20-50 % (2017-2018) à 80-100 %. Donc une protection physique améliore la survie des futurs fruits ; elle a d’ailleurs été réitérée en 2021, sur un nouveau croisement. Face à ce problème de punaises, il fallait maximiser les chances d’évaluer l’efficacité réelle des poches en les gardant en place le plus longtemps possible, et de les remplacer en cas de risque de rupture. Le but est d’avoir une protection viable économiquement pendant la durée de l’expérimentation. Sachant que d’autres projets sont consacrés plus précisément à des systèmes de protection par rapport à la punaise.
Pour en savoir plus :
• fcba.fr
• franceboisforet.fr
• allianceforetsbois.fr