100 % bois local

Posted Posted in La Lettre B

Point de rendez-vous pour les nombreux randonneurs sur ce territoire de Seine-Maritime jalonné de parcours balisés, la halle des randonneurs de Vatteville-la-Rue, 100 % bois local, est aussi un levier durable pour revitaliser le centre-bourg. Un programme unique dans sa conception qui met les circuits courts à l’honneur.

La halle des randonneurs, projet conçu par quatre étudiants de l’École nationale d’architecture de Normandie à Rouen, réinterprète la longère typique de la région. Photos : Sébastien Dutel

 » Nous sommes dans le parc naturel régional des Boucles de la Seine normande. Vatteville-la-Rue fait partie d’un groupe de quatre communes situées dans la presqu’île de Brotonne, avec la forêt domaniale éponyme de 7 000 hectares et d’autres, communales », décrit en préambule le maire, Jacques Charron (voir encadré). Autant dire que le bois s’est imposé comme une évidence pour ce projet de halle des randonneurs. Portée par la Commune et par Caux Seine Agglo, et accompagnée par le Parc naturel régional (PNR) des Boucles de la Seine normande et l’Union régionale des collectivités forestières de Normandie (Urcofor), cette réalisation est exemplaire à plus d’un titre. À travers cet équipement, c’est toute la démarche de circuit court, de proximité et de filière locale qui est mise à l’honneur. « Nous avions fait le pari d’un projet 100 % bois local qui valorise à la fois le matériau dans la construction et fasse la part belle aux entreprises de proximité. » Toutes les entreprises intervenues sur ce chantier (abattage, sciage, transformation du bois et pose de l’ouvrage) sont normandes.

La halle dédiée aux randonneurs est judicieusement située près d’un commerce de proximité.

La longère réinterprétée
Trois essences ont été sélectionnées, toutes disponibles dans un rayon maximal de 15 km : le chêne vient de la forêt de Brotonne, le pin sylvestre de la forêt communale, et le châtaignier de Notre-Dame-de Bliquetuit.
« Des bois retenus pour leurs classes de résistance naturelle à l’humidité. Les pièces les plus exposées, poteaux, jambes de force latérales, poinçons, sont en chêne. En pin sylvestre, les pièces sous couverture (arbalétriers, pannes, chevrons) ainsi que les habillages et les claustras en façade. Quant au châtaignier, le plus résistant, de classe 4, il a été utilisé en couverture », détaille Paul Gard-Baholet, architecte du cabinet Ideart, qui a repris le projet en phase conception avec des étudiants de l’École nationale supérieure d’architecture de Normandie (Ensan), à Rouen.
Car c’est là une autre particularité de ce programme : sa conception s’inscrit dans le cadre de travaux d’élèves de l’Ensan. Le projet étudiant qui a été retenu s’inspire de l’architecture vernaculaire, la longère normande, avec ses colombages et ses proportions particulières (bardeaux). « La forme initiale de la longère a été, ici, retravaillée, déformée, sculptée pour pouvoir entrer en dialogue avec le site et son environnement, offrant ainsi une dimension plus contemporaine. Nous avons une trame en façade, qui est un claustra qui se dilate. Plus nous nous éloignons de la rue, plus la structure se referme, ce qui crée un espace plus intime dans le lieu », indique l’architecte. En outre, des bancs ont été installés à l’intérieur, sur la périphérie, afin de laisser l’espace central complètement dégagé et autoriser une plus grande polyvalence dans les usages.

Des bois verts en charpente
Car la halle est à fonctions multiples : « C’est, bien sûr, un point d’accueil avec des panneaux de présentation du patrimoine local et des circuits de randonnée de la presqu’île, installés par l’office du tourisme, d’autres, de l’Office national des forêts avec des informations pratiques sur les parcours. Mais nous prévoyons également des marchés de produits locaux et des manifestations associatives », précise le maire.
La force de ce projet est aussi de remettre au goût du jour des techniques et savoir-faire traditionnels. Par exemple, l’utilisation de bois verts, comme cela se pratiquait au XIIIe siècle. « Ce qui implique, par exemple, une pose collée des bardeaux de châtaignier pour limiter les espaces entre eux suite à la rétractation due au séchage du bois vert », précise Paul Gard-Baholet. À noter : ces derniers sont taillés dans le sens de la fibre et mis en œuvre par recouvrement, ce qui permet à l’eau de ruisseler dans le sens du fil du bois et non d’y pénétrer. Cinq mois de chantier auront été nécessaires. Préfabriquée en atelier durant le mois de septembre 2020, la charpente a été assemblée sur site, et la couverture posée en octobre et novembre.
Véritable vitrine des atouts de la filière forêt-bois régionale, cet équipement répond aux grands enjeux actuels face au changement climatique : séquestration et stockage du carbone sur le long terme, décarbonation et relocalisation de notre économie, maintien de la biodiversité en forêt, etc. Sans oublier l’impact touristique sur le territoire.

Un espace largement dégagé avec seulement des bancs en périphérie, pour permettre l’accueil de marchés – des prises sont déjà prévues à cet effet – et diverses activités communales.

Jacques Charron, maire de Vatteville-la-Rue
Notre slogan « Vatteville-la-Rue, capitale de la randonnée en Seine normande », illustre une réalité : sur les quatre communes de la presqu’île de la Brotonne, c’est elle qui détient la plus forte densité de chemins de randonnée balisés entre Seine et forêts. D’où la forte affluence de marcheurs, en toute saison. Historiquement, leur point de départ était en forêt, près de la maison forestière. Un site malheureusement vandalisé. Il était donc plus raisonnable de créer un nouveau lieu d’accueil sur notre commune qui s’y prêtait bien : il y avait une complémentarité cohérente entre les commerces de proximité et l’accueil des randonneurs.
Ce sont les étudiants1 de l’École nationale supérieure d’architecture de Normandie qui ont dessiné le projet et travaillé l’intégration du bois local à la construction. Il faut aussi saluer l’aide des charpentiers, de l’Office national des forêts (ONF) et des propriétaires forestiers dans le choix des arbres. Mais aussi l’accompagnement actif par Laure Ferrier, directrice de l’Union régionale des collectivités forestières de Normandie (Urcofor), tout au long du projet.
Concrètement, la commune a établi un cahier des charges, et une promotion d’étudiants a présenté six projets, tous réinterprétant des éléments du patrimoine local : à savoir, la chaumière, la forêt, le gabion, la voile de bateau, le commerce local et la longère normande, projet retenu. Au départ, j’imaginais une construction classique avec six poteaux et une couverture à quatre pans. Mon premier adjoint, lui, voyait un kiosque… Au final, ils nous ont livré un projet moderne et original. C’est une belle histoire. Et une aubaine en pleine crise sanitaire, puisqu’en plein air :
les cours de karaté et de danse ont pu être maintenus, un comité de forêt s’y est même tenu… Ce projet s’inscrit dans le cadre d’un programme Leader (Liaison entre actions de développement de l’économie rurale2, NDLR). À ce titre, il sert d’exemple au niveau national. L’analyse des retombées territoriales effectuée nous donne un ART de 77 %, c’est-à-dire que sur 100 euros investis dans le lot bois, 77 euros ont été réinjectés dans l’économie du territoire.

Doc. : Caux Seine Agglo/Idéart

INFORMATIONS GÉNÉRIQUES
• Thème : construction d’une halle d’accueil multi-usage
• Maître d’ouvrage : Caux Seine Agglo (76)
• Essences utilisées : chêne, pin sylvestre et châtaignier (76)
• Livraison : janvier 2021
• Lieu : Vatteville-la-Rue, Seine-Maritime (76), Normandie
Accompagnement : Union régionale des collectivités forestières de Normandie (Urcofor Normandie) et Parc naturel • régional des Boucles de la Seine normande
• Site internet : collectivitesforestieres-normandie.org

INFORMATIONS TECHNIQUES
Maîtrise d’œuvre, architecte mandataire : Paul Gard-Baholet, Idéart (76) ;
projet conçu par les étudiants de l’École nationale d’architecture de Normandie (Ensan) à Darnétal (76)
Entreprises bois : 

  • coupe des chênes : Glatigny Ludovic (76)
  • sciage des chênes et des pins sylvestres : scierie Au Bois des Cast’Eure (27) 
  • fabrication des bardeaux de châtaignier : Le Fendeur (61)
  • charpente/couverture : Entreprise Rocher (27) 
    – Budget total du projet : 181 k€ HT
    – Bois mis en œuvre : 14 m3
  • ossature et charpente en bois massif : 11 m3 de chêne et pin sylvestre
  • bardeaux de châtaignier : 3 m3
    – Coût du lot bois : 72 k€ HT (structure et revêtement)
  • indice ART : 77 % 29,7 t de CO2 évitées

Pour en savoir plus :
collectivitesforestieres-normandie.org
cauxseine.fr
ensa-normandie.fr
onf.fr
art.fncofor.fr

Partager l'article sur vos réseaux sociaux :