Chalfrax : une stratégie opérationnelle contre la chalarose du frêne

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Fournir des outils d’aide au diagnostic et à la gestion pour lutter contre la chalarose du frêne, tout en préservant les intérêts collectifs de la filière. C’est l’objectif du projet Chalfrax qui, déployé sur cinq ans, est arrivé à son terme. Une stratégie opérationnelle qui pourrait servir de canevas à d’autres crises sanitaires des forêts. Retour sur un programme piloté par le Centre national de la propriété forestière (CNPF) et financé par France Bois Forêt, les Hauts- de-France et la Bourgogne-Franche-Comté. 

La chalarose du frêne touche désormais l’ensemble du territoire français, mais à des degrés divers. Photos : Benjamin Cano

« La quasi-totalité de la France est concernée par la chalarose du frêne. En revanche, certaines régions sont plus impactées que d’autres, comme le Nord et l’Est. On observe donc une variabilité des dommages sur le territoire. De même, les arbres adultes résistent mieux que les jeunes individus qui meurent très rapidement. Des constats qui nous donnent une certaine latitude pour organiser une stratégie dans le temps et dans l’espace », explique en préambule Benjamin Cano, chef de projet, correspondant-observateur du DSF1, CNPF. 

Connaître, comprendre, agir et communiquer. C’est le fil conducteur du projet Chalfrax, lancé en 2015 avec le soutien financier de France Bois Forêt. Un des axes d’étude et de recherche a consisté, en premier lieu, à identifier « les facteurs pathologiques, épidémiologiques, de vulnérabilité des peuplements et donc de probabilité d’infection, qui gouvernent cette hétérogénéité des atteintes ». On sait que la part de frênes sur une parcelle donnée joue un rôle majeur dans la propagation du champignon. Le taux d’humidité et les températures influent également sur la performance du parasite Chalara fraxinea : les étés humides et frais favorisent son développement, et la concentration de spores en sera d’autant plus élevée. À noter : les épisodes de sécheresse ces trois dernières années freinent la maladie, d’où une stabilisation des dommages. 

1 à 2 % d’arbres asymptomatiques 

Autre axe de travail, l’hétérogénéité des profils d’arbres : certains frênes ne montrent aucun signe de la maladie depuis plusieurs années. Les raisons ? Soit l’arbre n’a pas rencontré le champignon, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y est pas sensible ; soit le champignon a infecté les feuilles en été, mais n’a pas eu le temps d’atteindre les rameaux. 

1 Département de la santé des forêts, ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. 

La mortalité des rameaux et le flétrissement du feuillage en cours de saison de végétation sont des symptômes qui permettent d’identifier de manière fiable la présence du champignon.
Site internet dédié au projet Chalfrax.
Site internet dédié au projet Chalfrax.
Répartition sur le territoire des dispositifs expérimentaux installés dans le cadre de Chalfrax.

Une expertise basée sur des investigations de terrain
• Installation et suivi de 411 dispositifs expérimentaux et références
• Suivi de 16 800 frênes
• Étude de 800 rondelles de bois issues de 400 arbres sur dix parcelles
expérimentales dans les Hauts-de-France
• Douze rapports scientifiques et techniques
• Quatre enquêtes en Allemagne, Pologne, au Vietnam et aux États-Unis

Les organisations professionnelles participantes
• Résistance et tolérance : CNPF, Inrae, Département de la santé des forêts (DSF)
• Pathologie et épidémiologie : Office national des forêts (ONF), Institut
national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement
(Inrae), Centre national de la propriété forestière (CNPF)
• Stratégie de gestion : CNPF
• Ressource et valorisation économique : Union de la coopération forestière
française (UCFF), Groupe Coopération forestière (GCF)
• Communication : tous + Coopérative forestière de l’Aisne (Coforaisne)

Pour en savoir plus :
cnpf.fr
inrae.fr
onf.fr
lescoopérativesforestières.fr
gcf-coop.fr
agriculture.gouv.fr
foret-aisne.com

PROGRAMME
Réf. FBF : 19RD990
Budget FBF : 198 k€

« Le frêne perd ses feuilles en automne, plus tôt que d’autres de ses congénères. C’est inscrit dans son patrimoine génétique. Et certains individus sont avantagés par rapport à d’autres », détaille Benjamin Cano. Dernier cas : les arbres sont bel et bien infectés, mais développent des mécanismes de défense. « Ce sont ces derniers qui nous intéressent plus particulièrement pour des raisons évidentes de sauvegarde de l’espèce. Même si leur proportion est très minime, de l’ordre de 1 à 2 %. » Tout un pan du programme a donc été dédié à la mise en place d’études pour déterminer les facteurs d’origine génétique, afin de sélectionner les spécimens les plus résistants et donner lieu à une génération plus tolérante à la chalarose. « Ces données nous ont aussi permis de paramétrer la stratégie d’action. Le caractère progressif de la maladie étant établi, il convient de réaliser des coupes avec discernement afin de préserver ces arbres asymptomatiques. » 

Des outils d’aide à la gestion 

Autre composante essentielle dans l’élaboration de cette stratégie opérationnelle, la notion de ressource économique du frêne. Le volume de frêne récolté en moyenne en France entre 2010 et 2019 est de 161 000 m3 par an. Avec 95 Mm3 sur pied, pour une surface de plus de 700 000 ha, le frêne commun se place en 4e position des essences feuillues françaises de production (source IGN). « Aujourd’hui, en volumes sur pieds, 21 millions de mètres cubes de frêne sont potentiellement destinés au bois d’oeuvre, dont 18 millions issus de peuplement à frêne majoritaire. Ce sont eux que l’on va devoir récolter en priorité, bien que la récolte puisse être envisagée sur un laps de temps de vingt-cinq ans. Cette marge de manoeuvre nous permet de nous organiser. » L’ensemble de ces facteurs a été identifié au niveau du territoire : « Nous avons pu ainsi modéliser le risque sur la France entière. » À partir de l’expertise capitalisée, des outils d’aide à la décision ont été créés à l’attention des propriétaires forestiers et gestionnaires. Parmi ceux-ci, des outils de diagnostics, qui donnent accès à des indicateurs d’expertise à l’échelle de l’arbre – mortalités des branches, niveau de dégradation des collets… – et sur la base d’éléments techniques. Il s’agit de donner des clés pour délivrer des recommandations de gestion à l’échelle des peuplements, et intervenir selon le niveau de vigilance – courant, accru ou maximal –, le resituer par rapport au contexte national et déterminer ainsi les priorités des actions de récolte. À chaque niveau correspondent des prescriptions présentées dans un guide de gestion (Le frêne face à la chalarose, à paraître en janvier 2021*) sous forme de fiches itinéraires (type de coupe, rythme, priorité de coupe, reboisement ou pas, introduction d’autres essences ou régénération naturelle…). « Pour un niveau de vigilance maximal par exemple, on incitera à aller plus vite dans la récolte du frêne, les cinétiques de crise étant plus rapides. Pour les autres, les itinéraires de gestion seront plus progressifs », souligne Benjamin Cano. 

Des supports de communication efficaces 

Pas de bonne gestion de crise sans bonne communication, dernier axe du programme. « Elle faisait partie intégrante de la démarche Chalfrax. Il était important d’accompagner les professionnels et d’instaurer une confiance pour éviter tout emballement et obtenir leur adhésion aux prescriptions », insiste Benjamin Cano. Dès le lancement, le projet a été pensé dans une approche interdisciplinaire, intégrant donc les organisations professionnelles, des chercheurs aux transformateurs, dans les différents pilotes (voir encadré). Chaque action a fait, en outre, l’objet d’un rapport scientifique et technique, dans le but d’une transversalité des échanges. Par ailleurs, des interfaces de communication ont été créées : un site internet dédié aux différents axes du programme, la lettre d’information électronique Frax’ e-news (chalfrax.cnpf.fr), informant l’ensemble de la filière forêt-bois des résultats des investigations. « Nous avons également développé, autour de la “bannière” Chalfrax, une identité visuelle et une charte graphique afin qu’elle soit identifiée comme un groupe d’experts et devienne une interface référente sur le sujet de la chalarose. » Dernière action de communication en date, une émission de WebTV2 de deux heures sur la chaîne du CNPF, réunissant des experts de la filière, de ses représentants et des politiques, est venue clôturer ce programme, le 16 octobre 2020… Au sommaire, la restitution des différents travaux et, plus largement, les défis sanitaires de demain. 

Car ce programme a été conçu dans l’idée d’être reproductible, dans une certaine mesure, dans le cadre d’autres crises, en standardisant certains concepts. « En fait, c’est l’approche du problème qui peut être conceptualisée. » Plus concrètement ? « L’approche d’une stratégie différenciée par l’évaluation du risque représente alors une opportunité. Un moyen d’expertise permettant d’identifier les priorités, mais aussi une articulation du raisonnement, un fonctionnement cultivant la complémentarité et la transversalité des rôles des différents professionnels, voire un outil de pilotage et de monitoring du plan d’action. Sa conception paramétrable contribue également à une plus grande adaptabilité. » 

Par ailleurs, cette stratégie caractérise un certain nombre de situations, avec des valeurs précises et techniques. « Demain, les institutionnels souhaitant s’engager dans des dispositifs d’accompagnement de crise pourraient s’appuyer dessus pour établir un cahier des charges. Par exemple, elle pourrait faire office de clé d’entrée pour asseoir un dispositif d’aides de l’État… » 

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*Disponible également : Guide de gestion des crises sanitaires en forêt, CNPF-IDF et RMT Aforce, reseau-aforce.fr.
2 Retrouvez l’émission sur youtube.com/user/foretpriveefrancaise 

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