Pour la professeure Meriem Fournier et le chercheur Bruno Clair, la récolte et l’usage du bois répondent à de grands enjeux climatiques et environnementaux, et rien ne permet de dire qu’une augmentation de la récolte de bois serait bonne ou mauvaise, expliquent-ils, dans une tribune publiée le 25 juillet 2020 sur lemonde.fr. Extraits.
« Une étude du Centre commun de recherche (CCR) publiée le 1er juillet par Nature met en avant que les Etats membres de l’Union européenne (UE) se seraient mis à exploiter les forêts avec une ardeur redoublée depuis 2016. D’autres scientifiques mettent en doute ses conclusions mais, même si c’était vrai, serait-ce forcément un souci pour notre environnement ? »
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« Le prélèvement d’arbres pour utiliser leur bois permet de stocker du carbone durablement. Si le bois n’est pas récolté et reste en forêt, en fin de vie l’arbre meurt et se décompose en relâchant dans l’air son carbone. Ainsi, une forêt à maturité ne piège que peu de carbone.
Au contraire, l’usage du bois libère de l’espace pour de jeunes arbres qui stimulent le stockage en forêt tout en conservant le carbone sous forme solide dans le bois, pendant quelques mois pour une cagette ou quelques dizaines d’années dans le bâtiment.
Utiliser du bois ne contribue pas au réchauffement climatique. A l’inverse du ciment qui est produit en libérant le carbone stocké dans la roche calcaire et dont la fabrication contribue à elle seule à 6 % des émissions de CO2, l’usage du bois ne déstocke pas de carbone. De plus, si l’on compare les procédés de fabrication et de mise en œuvre, la mise en œuvre du bois génère deux fois moins de CO2 que le béton, dix fois moins que le ciment et vingt fois moins que l’acier. Substituer par du bois chaque fois qu’on le peut, c’est bon pour le climat. »
L’utilisation du bois ne puise pas dans un stock fini mais participe à un cycle infini. Pourvu que la forêt soit gérée durablement, c’est-à-dire en réinvestissant à chaque récolte pour renouveler les arbres coupés et pour maintenir et restaurer tous les services perturbés – stock de carbone et de bois, biodiversité, qualité du sol, valeur paysagère… Il faut bien sûr combattre les mauvaises pratiques sylvicoles qui menacent ces services comme les coupes rases abusives.
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La filière bois génère des emplois non délocalisables. Si on la construit bien entre zones rurales productrices et villes consommatrices proches, elle contribuera à la relance, à la relocalisation et aux transitions de notre économie.
La question du devenir des matériaux en fin de vie est alors un enjeu majeur et il est important de prendre en compte leur recyclage dès leur conception. Le matériau bois peut être réutilisé pour des pièces plus petites, recyclé en nouveaux produits tels que des panneaux agglomérés et, en fin de cycle, alimenter une chaudière pour produire de l’énergie.
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La forêt européenne et française doit être appréhendée pour toute la diversité de ses services. Pas uniquement comme un sanctuaire de biodiversité, de carbone et de nature, mais aussi pour produire du bois.
Récolter plus dans la forêt à côté de chez moi, ce n’est peut-être pas servir les intérêts cachés d’une industrie pilleuse, c’est peut-être au contraire le moyen de relocaliser une production de matériaux durables, d’investir dans la transition écologique, d’atténuer le changement climatique et d’éviter d’épuiser les ressources du sous-sol ou des forêts lointaines.
Bruno Clair (Directeur de recherche CNRS au Laboratoire de mécanique et génie vivil (LMGC, CNRS/ université de Montpellier)) et Meriem Fournier(Ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts, chercheuse dans le laboratoire Silva /Inrae, AgroParisTech, université de Lorraine)
Pour lire l’intégralité de cette tribune : https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/07/25/recolter-plus-dans-la-foret-a-cote-de-chez-moi-c-est-le-moyen-d-investir-dans-la-transition-ecologique_6047257_3232.html