Une zone inondable, une parcelle située en fond d’impasse, qui plus est dans le périmètre d’un monument historique. Des contraintes de taille qui se transformeront en atouts pour cette maison rennaise construite sur pilotis.
Rennes, quartier de Bourg-l’Évêque, au bout d’une impasse. La parcelle foisonnante bute sur le chemin de halage du canal de l’Ille. C’est là, entre les arbres, qu’émerge cette maison pas comme les autres. Attention, zone inondable !
La cote de référence de crue impose donc une hauteur de plancher des pièces habitables à 1,40 m au moins au-dessus du terrain. Qu’à cela ne tienne ! La maison a été largement « décollée » du sol. C’est aussi l’occasion de dégager la vue sur le jardin et de ménager sous le bâti une zone de stationnement ainsi qu’une remise – ses murs en claustras faciliteront, quant à eux, l’écoulement de l’eau en cas de crue.
Le bois omniprésent
Concrètement, l’emprise au sol est réduite au strict minimum, la construction reposant sur cinq trames de pilotis, non plus en bois comme prévu à l’origine, mais en acier galvanisé (voir encadré).
C’est cependant bel et bien l’élément bois qui caractérise ce projet. Ossature, solivage, charpente, tout est en sapin issu de forêts françaises et traité classe 2 (trempage). « L’ossature bois nous intéressait non seulement pour sa légèreté et sa modularité, mais aussi parce qu’elle autorise de grandes ouvertures, moins évidentes avec du béton. De même, seul le bois permettait de donner au toit cette forme un peu gauche. Il est utilisé ici pour gagner de la surface », soulignent les architectes Margot Le Duff et Matthieu Girard. La partie habitable, qui semble avoir poussé « dans les arbres », joue l’harmonie parfaite avec l’élément nature : « Nous voulions que cela ressemble plus à une cabane qu’à une maison. » Pari gagné !
Orientation nature
Les ardoises de la couverture s’invitent en façade, telle une seconde peau, et leurs teintes, variant selon la luminosité, offrent un contraste avec la transparence du socle pilotis et claustras. En revanche, ce sont des carreaux de verre qui habillent le pignon sud notamment, en reprenant un calepinage identique à celui des ardoises. « Signal fort de jour comme de nuit », cette façade translucide dispense la lumière naturelle dans toute l’habitation, tandis qu’elle laisse transparaître les entrailles de cette dernière – ossature et liteaux sont restés apparents. Derrière, le jardin d’hiver ouvre sur les pièces de vie. Elles sont toutes orientées vers le jardin et le canal, en étroite connexion avec l’élément naturel.
« Colonne vertébrale » en caissons bois
Si les contraintes du site ont imprimé une direction au projet, l’aménagement intérieur, qui fait, là encore, la part belle au bois, a été dicté par le maître d’ouvrage. « Tout est parti des caisses de rangement qu’il fabriquait en contreplaqué d’okoumé de récupération. » Ces caissons, empilés toute hauteur – jusqu’à 7 m dans l’entrée –, composeront une « cloison-mobilier », élément central du projet. Véritable « colonne vertébrale » placée dans l’axe des pilotis centraux, elle traverse intégralement l’habitation, du jardin d’hiver au pignon nord, tout en faisant office de séparation entre pièces techniques et à vivre. Dernière touche de bois, les ganivelles en châtaignier de Bretagne brut clôturent la parcelle.
MAISON SUR PILOTIS « DANS LES ARBRES »
LAURÉAT 1ER PRIX PNCB 2019
CATÉGORIE HABITER UNE MAISON
THÈME
Adaptation en milieu contraint
ESSENCES UTILISÉES
Sapin – Châtaignier – Okoumé (contreplaqué récupéré)
ENTREPRISES BOIS
Busson Cron Charpente (35) ; L’Atelier du Nançon, menuiserie intérieure (35)
ANNÉE DE LIVRAISON
2017
LIEU
Rennes, Ille-et-Vilaine
SITE INTERNET ET MAÎTRISE D’ŒUVRE
mnm-architecte.fr
Maître d’ouvrage privé
Maître d’œuvre :MNM Architectes (35), Margot Le Duff et Matthieu Girard
Bureau d’études structure bois : Dicosis (35)
Surface aménagée : 107 m²
Coût total (hors foncier & VRD) : 222 k€ HT
Aménagement intérieur : 25, 55 k€ HT
Coût lots bois : 42,40 k€ HT
Questions à…
Margot Le Duff et Matthieu Girard, MNM Architectes
Le bois était-il un matériau imposé ou s’est-il imposé naturellement au cours de votre réflexion ?
Nous l’utilisons très régulièrement, c’est une habitude. Cela dit, ce projet est né du matériau lui-même. Plus précisément du contreplaqué que nos clients déclinaient en différentes tailles pour concevoir des caisses de rangement. Nous nous sommes appuyés sur cette base pour concevoir une sorte de colonne vertébrale qui traverse la maison. Autre raison : une structure en bois, légère, nous semblait plus adaptée à une construction sur pilotis.
Pourquoi les pilotis ne sont-ils pas en bois ?
Sur la partie entre le sol et la maison, ils étaient en bois au départ. Le plan de prévention des risques d’inondation imposait des matériaux imputrescibles jusqu’à une certaine cote et le bois retenu – un épicéa – n’a pas obtenu le certificat après traitement. Il était trop dense pour que les traitements puissent le pénétrer à cœur. La réglementation a donc imposé de remplacer chaque trame de pilotis en bois par de l’acier.
Si c’était à refaire, qu’ajouteriez-vous à ce projet ou qu’en retrancheriez-vous ?
En isolation intérieure, nous avons une laine de chanvre de 60 mm pour les murs et une laine minérale de 145 mm entre montants ; en toiture, une fibre de bois et la même laine minérale. Sans doute essaierions-nous d’opter davantage pour des produits biosourcés.
Êtes-vous sensibles à la notion de matériaux biosourcés ?
Dans la mesure du possible, nous essayons d’y recourir. Mais c’est très souvent une question de budget. Ces matériaux restent encore malheureusement trop coûteux pour pouvoir être intégrés systématiquement.