« La tradition de l’émission La maison France 5, que vous animez, est de donner carte blanche à vos invités… Pour une fois, c’est à vous, Stéphane Thébaut, que nous donnons carte blanche pour nous parler du bois et du bois de France en particulier… »
En presque vingt ans d’émission, votre regard sur le bois dans la construction a-t-il évolué ? Cette évolution se retrouve-t-elle dans La maison France 5 ?
J’ai un attachement très personnel pour le bois. Je me suis toujours senti plus à mon aise dans une maison en bois que dans une bâtisse maçonnée. Il y a l’odeur, l’âme, quelque chose de vivant dans le bois que l’on ne retrouve pas avec d’autres matériaux.
En dix-neuf ans, j’ai pu constater l’émergence de différents modes constructifs bois. Par exemple, les systèmes poteaux-poutres associés à de grandes surfaces vitrées, qui n’enlèvent rien au confort thermique de la maison. Ce qui fait que les habitations bois ne sont plus cantonnées à certaines régions et se trouvent aussi bien en montagne qu’en bord de mer. J’ai aussi pu noter que le paysage de la construction, de l’aménagement et de l’extension fait de plus en plus la part belle au bois.
L’engouement pour l’émission La maison France 5 ne se dément pas. Comment expliquez-vous cette « magie » ?
Cette émission parle techniques, construction, rénovation, tendances, décoration. Mais, à la base, il s’agit d’une histoire humaine. Chaque maison est différente, elle est le reflet d’un parcours personnel, d’une personnalité, de toutes les personnalités qui s’y côtoient. Lorsque j’entre dans l’une d’elles, j’essaie aussi d’« entrer » dans la tête du propriétaire pour comprendre sa démarche : pourquoi ce type de maison, cette transformation, cette couleur, cette matière ? Et nous avons pris le parti de rencontrer des professionnels, tous secteurs confondus, et de leur donner la parole afin d’attirer l’attention des téléspectateurs sur ce qu’il convient de faire et ce qui est à éviter. L’habitat est une des choses que l’on a de plus chères. Donc nous nous attachons à ne pas raconter n’importe quoi. Beaucoup d’émissions sont basées sur le home staging ; j’éprouve de la peine pour ces gens : au début, c’est super, puis trois mois plus tard, c’est fichu car les temps de séchage n’ont pas été respectés, les calicots ont été mal mis…
Personnellement, j’ai toujours baigné dans cet univers, entouré de gens attentifs à concevoir un logis bien pensé et conçu dans les règles de l’art. À commencer par mon père, un bricoleur averti.
Quelles suggestions pourriez-vous nous faire pour développer davantage l’intérêt des consommateurs pour le bois ?
Je ne suis ni juge, ni partie. J’aurais juste envie de dire : « Faites l’expérience ! Et surtout, allez voir comment ces habitats ont évolué. » Il y a trente ans, une maison en bois se résumait souvent à une « caisse » pleine de nuisances sonores liées au manque d’isolation des planchers entre étages, de l’absence de dalles béton… Ce n’est plus le cas. En outre, c’est un habitat qui respire et où l’on se sent bien, contrairement à d’autres constructions qui donnent le sentiment d’être dans une « cocotte-minute ». Je ne peux qu’en montrer des exemples… Et aussi en expliquer tous les avantages : rapidité de mise en œuvre (grâce à la préfabrication, NDLR), chantier propre, traçabilité. Je suis convaincu par ce matériau et j’essaie de faire passer un message.
Comment, selon vous, convaincre les donneurs d’ordre, élus, architectes, de choisir le bois et, plus précisément, le bois de France ?
Je pense qu’il faut respecter l’histoire et les traditions constructives des régions.
Cela dit, dans un environnement urbain, on peut inciter les donneurs d’ordre à s’orienter vers le bois. Le phénomène est d’ailleurs en train de s’opérer, notamment dans les logements sociaux. Longtemps, il y a eu une certaine frilosité à l’égard du bois, notamment en termes de tenue au feu… Pourtant, les sapeurs-pompiers vous expliqueront préférer lutter contre l’incendie d’une maison en bois qui va se consumer lentement, plutôt que contre celui d’une construction en béton qui, elle, risque de s’écrouler. Il faut continuer à informer pour convaincre. Personnellement, je suis assez attentif à la notion de filière locale et de matériaux biosourcés. Faire appel à des artisans locaux, à des essences locales facilite énormément les choses à mon sens.
La collaboration de l’émission La maison France 5 avec l’Interprofession nationale France Bois Forêt est-elle une première dans l’histoire de ce rendez-vous ? Que faut-il en retenir ?
Notre intérêt pour le bois n’est pas une nouveauté en soi. Ce qui l’est, en revanche, c’est cette ouverture, décidée avec France Bois Forêt, sur les métiers associés au bois. Et ça commence par la graine plantée et l’arbre récolté puis transformé… C’est une première que l’on puisse s’associer à un organisme officiel et représentatif, qui recense de très nombreuses activités de la filière forêt-bois, et j’en suis ravi.
Nous rencontrons, notamment dans la rubrique sur les artisans, des professionnels (scieur, charpentier, menuisier…) très compétents dans leur domaine. C’est ce qu’on leur demande – et non d’être commerciaux ou de faire de la « pub ». À nous de les aider à montrer au plus grand nombre leurs métiers, leur savoir-faire, le sens des évolutions… On parle de développement durable, d’écologie, de matériaux biosourcés… Mais si l’on n’entre pas physiquement au cœur de ces métiers, le téléspectateur n’en saura pas plus.
Il faut l’informer, la dimension pédagogique est essentielle pour réveiller le bon sens. Notre objectif est d’éclairer le grand public sur ces métiers et leurs déclinaisons possibles, pour qu’ils puissent les reprendre à leur compte et tenter l’aventure du bois.
Pour conclure, je dirais que j’ai rencontré des gens passionnés et passionnants… Et cela continue !